Trois mois après l’attentat qui a décimé Charlie-Hebdo, sa rédaction se déchire. Pas sur la ligne éditoriale, sur la gestion.
Après la tuerie du 7 janvier, l’hebdomadaire a vu affluer les aides, les dons et les abonnements. Ses ventes ont explosé – plus de 7 millions d’exemplaires pour le numéro des survivants « Tout est pardonné » et il tire maintenant à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.
Au total il devrait recueillir près de 30 millions d’euros.
Le ministère de la culture a versé un million d’euros d’aide d’urgence. Les ventes historiques du numéro des survivants ont représenté 10 à 12 millions d’euros de marge ; le numéro suivant a été tiré à 2,5 millions, soit encore 3 à 4 millions de marge exceptionnelle ; les 220 000 abonnements souscrits devraient générer 3 autres millions. Les dons dépassent largement les 4 millions d’euros, dont les deux-tiers environ à travers l’association Presse et Pluralisme habilitée à recueillir des contributions défiscalisées donnant droit à un crédit d’impôt de 66 % pour les donateurs. A ces sommes s’ajouteront les droits d’auteurs sur la vente de numéros spéciaux ou de DVD.
Bien entendu l’hebdomadaire devra payer des impôts ; il espère néanmoins en être dispensé pour les sommes – provenant des dons défiscalisés – qu’il entend verser aux familles des victimes » sans faire de distinction entre les victimes « .
C’est le moment qu’a choisi un collectif de salariés pour réclamer publiquement un statut d’«actionnaires salariés à part égale» refusant «qu’une poignée d’individus prenne le contrôle» de l’hebdomadaire. Ils estiment que Charlie Hebdo est désormais un «bien commun»
« Pour le moment, on n’est pas associés aux choix », dénonce Patrick Pelloux, plus connu comme leader du syndicat des médecins urgentistes mais également chroniqueur et membre de la rédaction de Charlie-Hebdo. « Il n’y a rien contre la direction actuelle, aucun conflit avec qui que ce soit, mais par rapport à ce qui s’est passé, les salariés veulent être davantage acteurs de l’entreprise […] À partir du moment où une entreprise est décimée, vous vous sentez complètement liés à elle. Il ne s’agit pas de se partager le gâteau. L’argent ne nous intéresse pas », assure-t-il.
« Cela fait penser à ces enterrements où on se bat déjà en revenant du cimetière pour les bijoux de la grand-mère», a pourtant regretté l’avocat de Charlie-Hebdo.
Charlie Hebdo est détenu à 40% par les parents et héritiers de son ex-directeur de la rédaction Charb, tué dans l’attaque du 7 janvier, 40% par le dessinateur Riss et 20% par Eric Portheault, devenus respectivement directeurs de la publication et de la rédaction après l’attentat auquel ils ont tous deux réchappé.
Début janvier 2015, Charlie-Hebdo au bord de la faillite, ne se vendait qu’à 30.000 exemplaires. Il cherchait 200 000 euros pour éponger ses pertes, et c’est à cet effet qu’avait été lancée en novembre 2014 l’association Presse et Pluralisme.
A l’époque aucun collectif n’exigeait d’être associé au capital.