En marche vers le brevet

Cette année plus de 700 000 élèves ont obtenu leur diplôme national du brevet.

Précisément 704 200. Ce qui pour 808 200 candidats présents conduit à un de taux de réussite de 87,1 %. Magnifique. D’autant plus que si 12,9 % des candidats ont échoué à l’examen, 22,6 % des candidats l’ont obtenu avec une mention très bien et 22,2 % des candidats avec une mention bien.

Mais ces brillants résultats masquent un autre phénomène : en 2017 le taux de réussite au même examen avait été de 89 %. C’est donc un véritable repli qu’a connu l’année 2018. Et en fait le premier repli significatif dans une longue série en irrésistible progression depuis 1987, année où le taux constaté ne dépassait pas 62,4 %. Nos collégiens français, qui depuis trois décennies voyaient leur réussite toujours plus affirmée seraient-ils en passe de devenir des cancres ?

Une rapide réflexion permet de se rassurer ;depuis 30 ans, alors que le taux de réussite au brevet a explosé, le résultat des évaluations des compétences des adolescents de 15 ans a au contraire montré un lent et régulier recul. Dans les programmes d’évaluation internationaux de l’OCDE, les jeunes Français apparaissent maintenant parmi les moins à l’aise. Il n’y a pas de corrélation – sinon inverse – entre taux de réussite au brevet des collèges et capacité scolaire des jeunes Français. Le facteur explicatif est ailleurs : ce sont les modalités de l’examen.

Et c’est bien ce qui s’est passé en 2018. Alors que dans les sessions récentes le contrôle continu (évaluation des connaissances acquises) comptait pour 60 % de la note totale, et les épreuves finales écrites et orale pour 40 %, la session 2018 a porté à 50 % la part des épreuves finales. Or celles-ci sont traditionnellement moins réussies que le contrôle continu, dont le barème national demande d’accorder la moyenne aux candidats dont la maîtrise des compétences acquises est « fragile » et 80 % du maximum des points lorsque cette maîtrise est « satisfaisante ». Mécaniquement ce rééquilibrage a conduit à une diminution de la note globale.

Mais qu’apporte ce « diplôme national du brevet » en 2018 ? Certes, depuis 1947 il existait un brevet d’études du premier cycle du second degré que pouvaient présenter les élèves de 3ème. Mais à partir de 1978, les collégiens orientés en seconde se sont vus le délivrer sans avoir à en passer les épreuves. Puis en 1981, renommé « brevet des collèges », il a été attribué aux élèves de collège au vu de leurs seuls résultats scolaires, l’examen étant réservé aux candidats non scolarisés. C’est en fait en 1985 le ministre de l’éducation Jean-Pierre Chevènement qui a décidé de réintroduire un examen écrit pour tous : il souhaitait ainsi « revaloriser le diplôme », « motiver » davantage les élèves, et les « préparer » à aborder des examens ultérieurement.

La première session, en 1986, conduit à des résultats qui vont décevoir beaucoup de candidats ; ils sont 764 500 à passer les épreuves mais 378 700 à l’obtenir, soit un taux de 49,5 %. Le brevet est peut-être revalorisé, mais nombre d’élèves, et de parents, sont mécontents… Lors de la session suivante l’examen est reconfiguré, avec en parallèle l’introduction de trois séries (collège, technologique et professionnelle), devenues deux depuis. Dès 1987 le taux de réussite de la série collège dépasse les 66 % ; au fil des modifications de l’examen et de ses modalités il croîtra désormais régulièrement jusqu’à atteindre 89,8 % en 2017. La diminution constatée en 2018 suffit-elle à le « revaloriser » ? il est plus qu’aventureux de le penser

Peut-être la perspective d’épreuves écrites est-elle à même de réellement motiver les élèves ? Impossible : elle ont lieu à la fin du mois de juin, alors que tout est joué : les conseils de classe sont passés et l’orientation déjà actée. Du fait même du poids du contrôle continu, et de ses directives de notations, la grande majorité des élèves sont quasiment certains d’avoir leur brevet avant ces épreuves. En revanche ceux pour ceux qui ont accumulé du retard dans l’évaluation continue, la marche est bien haute. La perspective d’une mention très bien apparaît une motivation bien faible.

Quant à l’expérience acquise en matière de passage d’examen, deux à trois ans avant celui du baccalauréat, par le passage d’épreuves sans enjeu, elle est nécessairement très réduite.

Quel organisme peut se permettre de sacrifier 5 % de sa production ?

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