En 1979 triomphant de la Deuxième gauche incarnée par M. Rocard, M. Mitterrand sort vainqueur du congrès du parti socialiste de Metz ; il sera le candidat du PS au scrutin présidentiel de 1981. Il est soutenu par M. Fabius qui, de la tribune, a lancé qu’ « Entre le marché et le plan, il y a le socialisme !» et M. Jospin, qui devient premier secrétaire du PS.
Vingt ans plus tard, après que Laurent Fabius ait été en 1984 le plus jeune Premier ministre de la République, poste auquel il poursuivra la « politique de la rigueur », M. Jospin à son tour est l’hôte de Matignon.
Mais voilà qu’un soir de septembre 1999 invité du journal télévisé, interrogé sur la suppression que venait d’annoncer la société Michelin de 7500 emplois en Europe dans les trois ans, M. Jospin certes trouve «cette décision choquante», notamment «parce que les salariés n’en ont pas été informés comme ils auraient dû l’être», mais ajoute «Il ne faut pas tout attendre de l’Etat».
Et non content d’asséner ce constat, il le renforce en précisant «Je ne crois pas qu’on puisse administrer désormais l’économie. Ce n’est pas par la loi, les textes, qu’on régule l’économie». Et de poursuivre : «Tout le monde admet le marché» en théorisant : «La politique, c’est l’art de l’exécution. Je ne suis pas, moi, dans l’ordre de l’imaginaire. Je suis dans l’ordre du réel».
« Dérapage, lapsus, reniement » : le chef du gouvernement désespérait toute une frange de sa majorité. M. Mélenchon affirma qu’une phrase comme celle-là le consterne ». M. Mermaz déclara l’intervention «pathétique» quand M. Chevènement la qualifiait d’«hallucinante». Quant aux supporters de M. Jospin ils eurent de bien curieuses façons de «dissiper le malentendu» en déclarant que «Sur le plan économique, le gouvernement [..] mène une politique volontariste qui produit des résultats. Lorsque Jospin prend l’engagement du plein-emploi dans dix ans, ce n’est pas de l’impuissance ! ». Seul M. Cohn-Bendit, alors député européen, approuvait l’inflexion « La nostalgie du vieil Etat gaullo-communiste ne sert à rien ».
Après une telle réaction, rapidement le gouvernement revint dans le classique discours du « à tout problème une annonce : l’Etat est là, je vous le promets.
Mécanisme qui – bizarrement ? – a souvent bien peu d’effets dans la durée. Sinon de convaincre jour après jour le citoyen que décidément les gouvernants de gauche, ou de droite d’ailleurs, qui pratiquent cet art de la promesse non tenue avec constance forment une oligarchie intéressée par le seul pouvoir.
Susciter de faux espoirs pendant vingt ans pourrait-il encourager une réaction de « populisme « ?