Tribun des bois

 

Liberté, égalité, fraternité.

Belle devise. Mais qui se heurte aux faits.

Notre pays connaît une situation profondément inégale : quelques privilégiés gagnent énormément d’argent et l’immense majorité beaucoup moins. La fraternité est tout aussi bafouée : ceux qui gagnent cet argent exercent des métiers à l’utilité bien contestable. Le paysan, qui nous nourrit, n’a pas le revenu du footballeur habile à dribbler, l’infirmière qui se dévoue pour sauver des vies, perçoit un bien maigre salaire devant le bonus du trader, qui spéculant derrière son écran. Le travail utile n’est pas rémunéré à sa juste valeur.

Nombreux sont les Français qui se sentent insuffisamment payés pour ce qu’ils font. Le salarié sait que l’entreprise va tirer un profit de son travail et que son patron a un intérêt personnel à ne pas reconnaître la valeur que ce travail lui apporte. Quant au chômeur il constate qu’aucun employeur n’est là pour rémunérer sa compétence. Il faut plus de justice sociale.

Une solution apparaît évidente : la société doit prendre la richesse à ceux qui la possèdent pour la distribuer à ceux qui en ont le moins. L’État, au service de tous, ne va pas chercher un profit égoïste et doit en assurer la meilleure répartition. Certes les privilégiés sont peu enclins à souscrire à une telle idée. Mais c’est justement parce qu’ils sont privilégiés ; et dans une société démocratique un citoyen égale un vote.

Le tribun qui tient ce discours à un auditoire auquel il dit ce qu’il veut entendre a quelque chance de succès.

Une fois au pouvoir il devra s’atteler à établir cette justice sociale.

L’État va contrôler les actifs : actions des entreprises, épargne, immobilier etc. Et il agira. La durée du travail hebdomadaire sera réduite, les effectifs et les salaires augmentés, puisque les revenus des patrons, remplacés par des personnes qui ne cherchent plus le profit mais le bien du citoyen, seront supprimés.

Certes les coûts, et donc les prix, vont augmenter. Mais l’État veillera au niveau de vie et saura encadrer les prix. Cependant casser le thermomètre ne fait pas baisser la température. Un producteur même bienveillant ne va pas accepter la faillite. L’indépendant va écouler sa production autrement. L’industriel va réduire la qualité ou demander une subvention à l’État. Que celui-ci lui accordera bien sûr. Mais avec quelles ressources ? Des assignats ou l’équivalent. L’inflation et le marché noir sont là.

Passons donc à l’étape d’après : supprimons les prix – ou inventons quelque monnaie de singe qui permette de s’en passer. Orientons directement la production en fonction des besoins de la société. Qui va le décider ? L’État bien sûr. Et en pratique ses fonctionnaires qui vont planifier la production – et la distribution – au mieux des intérêts du peuple.

Mais bizarrement le citoyen garde un comportement quelque peu égoïste : pourquoi se donner du mal, s’améliorer, si l’État est là pour subvenir à vos besoins et s’il prend le résultat de votre activité pour le redistribuer à la collectivité ? La production baisse et est de plus en plus souvent inadaptée aux besoins. Car malgré leur maîtrise complète, l’État et ses agents ont du mal à connaître la situation réelle de l’économie. L’agriculteur garde pour lui ses fraises ou les échange contre les oeufs de sa voisine. Le partage des richesses se traduit par l’égalité, mais dans la pénurie, au moins apparente.

Heureusement l’État veille : qu’un produit vienne à manquer, il peut réorienter la production vers le besoin avéré en condamnant lourdement les « profiteurs » voire en y affectant d’autorité les travailleurs les moins utiles. L’argument est imparable : la récolte de blé a été mauvaise et vous ne voulez pas aller dans les champs, et laisser mourir vos frères ? Si cette culpabilisation ne suffit pas, l’État dispose de la force et envoie quelque police. Au risque d’une faible productivité du nouveau producteur et d’un nouvel appauvrissement. Dans les pires des cas cette spirale sans fin du dirigisme n’a comme terme que la misère absolue et la terreur. Et dans le meilleur, tempéré par la débrouille tolérée, une bien terne médiocrité.

L’État est contraint d’utiliser la force pour faire travailler ses citoyens selon ses anticipations. La volonté de fraternité et d’égalité ont écrasé la liberté. A vrai dire prétendre connaître les besoins de tous les êtres humains et être à même d’agencer par le plan le détail de tous les moyens de production n’est pas loin de relever de la maladie mentale.

L’histoire le montre. Sans exception. Qui l’expliquera à notre tribun ?

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