Archives mensuelles : octobre 2014

L’imagination fiscale au pouvoir

Avis d'imposition

Mme Bulteau est députée de la Vendée. Elle est même la première femme députée de gauche qui aie jamais été élue dans cette terre de tradition conservatrice.

Et elle innove.

Récemment elle a décidé d’interroger – par écrit – le ministre des finances et des comptes publics sur «la concurrence que constituent certains sites d’annonces gratuites, notamment pour les professionnels de l’immobilier qui considèrent que celle-ci s’exerce de façon tout à fait déloyale, et même au détriment de l’État, en laissant s’installer un marché parallèle de l’immobilier». La députée a remarqué que les professionnels de l’immobilier perçoivent des honoraires de transaction assujettis à la TVA. Notant que le principal site internet d’annonces gratuites en France propose environ 260 000 annonces immobilières, elle a calculé que faute d’honoraires – qu’elle estime en moyenne à 6 000 euros (hors taxes, bien sûr) – sur chacune de ces transactions on obtient «312 millions d’euros environ de manque à gagner pour l’État». Aussi, elle demande au Gouvernement «s’il envisage de réglementer ces nouveaux usages».

On ne s’étendra pas sur la précision de ces calculs qui assimilent nombre d’annonces et nombre de transactions et ne prennent pas en compte le renouvellement des annonces mais ce qui est vraiment intéressant et innovant c’est l’idée – si on comprend bien – soit d’obliger le passage par un professionnel, soit – encore plus original – d’appliquer de la TVA sur une prestation imaginaire.

Un bon impôt est un vieil impôt !

Un gazier pas quelconque

Usine à gaz

Selon le « Canard Enchaîné » M. Mestrallet PDG de GDF Suez devrait percevoir une retraite-chapeau de 21 millions d’euros lorsqu’il quittera le groupe en 2016, atteint par la limite d’âge de 67 ans.

La CGT du groupe s’étonne d’un montant pareil au moment où l’entreprise a engagé « un plan de rigueur énorme de l’ordre de 4,5 milliards d’euros ».

L’entreprise précise à la presse que son président touchera 831 641 euros de retraite sur-complémentaire chaque année. Les engagements liés à cette retraite dont le versement sera assuré par l’entreprise pendant toute la durée de la retraite du bénéficiaire nécessitent une provision comptable qui serait de l’ordre de 15 à 16 millions d’euros – et non de 21 millions d’euros. 831 641 euros sont à comparer à la rémunération totale perçue par M. Mestrallet en 2012 : 2,9 millions d’euros. Le «taux de remplacement» est de 28 %.

Faible si on le compare au taux de remplacement du régime légal – 50% – et plus encore au taux moyen constaté en France en incluant les retraites complémentaires et les régimes spéciaux qui atteint 72%.

Le plus simple est d’aller lire ce qui est écrit dans le «Document de référence 2013 » de GDF Suez. Et là surprise, on y apprend que M. Mestrallet est retraité depuis avril 2012. En 2013, il a ainsi touché 90.000 euros de retraite «de base», celle des régimes collectifs inter entreprises ; mais comme il est rémunéré en tant que PDG il a renoncé à percevoir la retraite sur-complémentaire de 831 643 euros du groupe qui lui était acquise.

En réalité, il n’y a rien de nouveau et au contraire le coût total prévisible de cette retraite diminue chaque année depuis 2012, puisqu’elle n’est pas encore versée.

Cela dit la rémunération de M. Mestrallet comprenait 1,6 million d’euros de primes. Donc le taux de remplacement est plutôt de 60 %, ce qui est vraiment bien pour 28 ans de carrière.

Voilà qui permet à un gazier retraité de gagner deux fois plus que le mieux dotés des électriciens, le PDG nouvellement nommé d’EDF. Heureusement pour celui-ci que le gouvernement l’a choisi déjà riche, après une carrière à Vivendi où son niveau de revenus dépassait celui de M. Mestrallet.

Le gouvernement prend en mains le secteur ferroviaire

vache_fil

Mme Lemaire,  la secrétaire d’Etat chargée du numérique a décidé de passer à l’action sur les TGV. Son constat : l’absence de Wifi à bord des trains de la SNCF. Elle déclare qu’elle est «frustrée à essayer de se connecter dans le train».

Moderne, plutôt que d’interroger officiellement les responsables de la compagnie, elle a  interpellé la SNCF sur Twitter ; il s’agit de «mettre la pression politique et publique sur un dossier qui devrait avancer plus vite». Grâce sans doute à son statut de membre du gouvernement Mme Lemaire a vite obtenu une réponse. Dans les trois heures, la SNCF lui a proposé un rendez-vous pour discuter de la question.

Interrogée par un voyageur la SNCF indique sur un post de septembre 2012, lu par plus de 33 000 personnes que le Wifi est quasiment absent de ses trains, bien que 69 % des voyageurs ayant l’habitude de se connecter en mobilité souhaiteraient en disposer. Mais «L’installation du Wifi coûte plus de 350.000 euros par rame. Il y a plus de 450 rames dans le parc TGV» et la SNCF n’a pas encore trouvé de modèle économique satisfaisant.

Le député de la Haute-Savoie, M. Tardy avait en juillet 2013 interrogé le gouvernement sur le sujet. Mme Pellerin, ministre de l’époque, avait répondu que «d’un point de vue technique, équiper un TGV en Wifi requiert, du fait de la vitesse du train, la mise en oeuvre de solutions plus élaborées que celles utilisées pour équiper un lieu public» et que les expérimentations étaient «coûteuses» aussi bien en investissement qu’en maintenance.

Le gouvernement est un exécutif de combat, « resserré, cohérent et soudé » à l’assaut des problèmes des Français.

Paris-Berlin le jour

Petit déjeuner DB Nuit

Le 13 juillet 2014, la SNCF et la DB ont annoncé la suppression la liaison Paris-Berlin par train de nuit. La DB déclare que les lignes de train de nuit sont «depuis des années dans le rouge», avec des pertes de «dizaines de millions d’euros». Une situation toujours plus critique : la fréquentation des lignes de nuit a diminué de 30% en 10 ans. La DB constate une hausse de l’utilisation des lignes à grande vitesse de jour et fait de plus en plus face à la concurrence des compagnies aériennes low-cost.

Les syndicats de la DB, alliés aux partis Die Linke et écologiste, militent contre cette mesure en défendant les intérêts des employés travaillant sur les lignes supprimées et appellent aux «initiatives citoyennes». Ils regrettent une décision dénuée d’imagination qui occulte le côté mythique de la ligne.

Les écologistes de Die Grünen, qui préfèrent les transports ferroviaires aux transports aériens, plus gourmands en énergie et générateurs importants de CO2 mettent en avant l’attractivité des trains de nuit et leur popularité et prônent le développement de «nouveaux concepts plus écologiques» .

«Un bon modèle politique, c’est quand on peut changer des choses même en étant opposés à une forte coalition» déclare Mme Leidig chargée des transports à Die Linke qui dénonce «la politique capitaliste à court terme du gouvernement».

Les salariés décrivent des trains de nuits de qualité : «Nous avons les meilleurs trains de nuit d’Europe, on peut même parler de trains-hôtels, où le confort est la première des valeurs. Les passagers bénéficient de nombreux services, de la réception au départ jusqu’au petit déjeuner dans des wagons spécialement aménagés.»

Les voyageurs sont des ingrats : ils bénéficient d’un voyage de 13 heures et renâclent à payer 253,60 euros pour  se régaler d’un petit déjeuner servi dans un carton.

En transit vers la croissance

Avenir vert

La loi «sur la transition énergétique pour une croissance verte» vient d’être adoptée en première lecture par les députés, socialistes et écologistes. Seul M. Mamère trouvant ce texte «pétri de bonnes intentions» mais «pas à la hauteur» ne l’a pas voté. Même Mme Duflot, pourtant si critique du gouvernement depuis qu’elle n’en fait pulserait s’est félicitée du«premier véritable débat démocratique sur l’avenir énergétique de la France». La ministre, Mme Royal, a estimé que «L’Assemblée démontre que l’on peut réconcilier la croissance et l’énergie», reprenant l’argument de Mme Cosse pour qui la transition énergétique peut «augmenter le pouvoir d’achat des gens et créer de l’emploi».

Le point de départ de cette loi est partagé : nous devons aller vers une société qui consomme moins d’énergie et qui soit moins dépendante des énergies fossiles. En consommant à grande vitesse une énergie fossile aux réserves finies selon des procédés qui dégradent la planète de manière peut-être irrémédiable par la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique l’humanité est engagée dans une spirale mortifère.

Donc consommer moins et mieux d’énergie, et renouvelable.

On connaît les solutions : mieux isoler les bâtiments, développer la production d’électricité «de bas carbone» par les éoliennes, l’énergie solaire et la biomasse. Elles nécessitent des investissements considérables.Travaux d’isolation, construction de centrales à énergie renouvelables mais aussi et surtout le développement du réseau électrique. En effet l’électricité renouvelable est produite là où il y a du vent, ou du soleil pas forcément là où elle est consommée, et étant intermittente, doit être suppléée par des centrales de renfort durant les creux de production.

Investissement donc travaux donc emplois supplémentaires. Du moins si on est capable de réorienter les chômeurs vers ces emplois. Mais pouvoir d’achat certainement pas : dans un premier temps les investissements coûtent sans rien rapporter et à terme la chaîne de production d’énergie restera moins efficace que la consommation «à fonds perdus» actuelle. Nous sommes condamnés à travailler plus pour protéger l’atmosphère et espérer avoir à peine autant.

Au fait en économie la dégradation de notre environnement ça s’appelle une externalité négative : un désavantage collectif que les citoyens ne ressentent pas individuellement. Il y a même un outil pour le traiter : la taxation. Si l’on taxe l’émission de CO2, les acteurs vont chercher à la réduire ; de plus les taxes peuvent contribuer à financer les investissements nécessaires. Mais alors l’énergie va être clairement plus chère et il devient difficile de prétendre que le pouvoir d’achat n’en sera pas affecté.

Voilà sans doute pourquoi Mme Royal s’oppose à toute fiscalité «punitive», là où M. Mamère déclare que «sans fiscalité écologique, il n’y a pas de transition énergétique possible».

La disparition de l’écotaxe

Camion qui fume

Après plusieurs adaptations, reports et difficultés diverses dont la dernière avait été sa transformation en péage de transit poids lourds, l’écotaxe vient d’être reportée sine die.

Triste destin pour un projet voté début 2009 à l’unanimité. Conformément à l’engagement du Grenelle de création d’une «éco-redevance kilométrique pour les poids lourds sur le réseau routier non concédé»  le parlement avait décidé à l’article 11 de la loi de programmation Grenelle I qu’«Une écotaxe sera prélevée sur les poids lourds à compter de 2011 à raison du coût d’usage du réseau routier national métropolitain non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic. Cette écotaxe aura pour objet de financer les projets d’infrastructures de transport.»

Le projet n’était pas original : les Allemands ont mis en place depuis 2005 un «Péage Poids Lourds» pour les véhicules de plus de 12 tonnes empruntant les autoroutes : avec un taux de 14 à 28 centimes du km selon la taille du camion, les recettes atteignent 4,4 milliards d’euros par an, dont 0,6 milliard pour le consortium privé qui a construit et exploite le système de collecte. Les revenus nets financent par parts égales les investissements d’infrastructures routières et non routières.

En France on espérait avec un taux de 12 à 24 centimes payé par tous les véhicules de plus de 3,5 t empruntant 12 000 km de routes – pas les autoroutes payantes – 1,2 milliards d’euros de recettes annuelles dont 0,3 pour EcoMouv le consortium en charge de la collecte. De nombreuses oppositions avaient amené au fil des ans à transformer l’écotaxe initiale en «péage de transit» : seules 4000 km de routes restaient concernées et de nombreux allègements dont l’exonération des ramassages de lait avaient été accordés. On n’en espérait plus que 560 millions d’euros de recettes annuelles et il restait à renégocier avec EcoMouv qui avait développé le système de collecte pour le périmètre initial.

Triste jour pour la couche d’ozone.

Mais sait-on qu’en France le gazole professionnel est presque exonéré de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. ll ne semble pourtant pas que les moteurs de camion produisent moins de CO2. En fait les transporteurs routiers paient la taxe puis ils déclarent leurs consommations aux Douanes qui leur en remboursent 92 %. Il y en a pour 330 millions d’euros par an.

Autrement dit on exonère tous es transporteurs routiers d’une taxe sur le gazole, proportionnelle à leurs émissions polluantes, pour ensuite essayer d’en recouvrer l’équivalent en faisant payer un péage autoroutier à ceux qui circulent sur les principales routes nationales.

Construire des portiques et faire remplir des imprimés c’est lutter contre le chômage.

Le génie français.