Archives de catégorie : Action publique

L’arbitre dégaine trop vite

 

logorrhée legislative

Le ministre veut agir.

Lors du match entre le Racing Club de Lens et le Paris Saint-Germain au Stade de France – c’est du football – l’arbitre a pris des décisions contestées et,  semble-t-il, vraiment contestables.

Il a d’abord expulsé un défenseur lensois et accordé un penalty discutable, transformé sans coup férir par le joueur vedette uruguayen du club de Paris, puis il a exclu ledit buteur par deux cartons jaunes consécutifs : un pour une célébration jugée inappropriée de son but, et l’autre pour l’avoir touché en étant venu lui demander des explications. Quelques minutes plus tard c’est le capitaine lensois qui était à son tour exclu.

M. Braillard, le secrétaire d’état aux sports pose un diagnostic sans concession : « L’arbitrage français ne se porte pas bien, il n’y avait pas d’arbitre français à la Coupe du monde d’ailleurs … L’année dernière il y a eu des problèmes, cette année il y a des problèmes… ».

Il esquisse une solution : « Ne faut-il pas professionnaliser définitivement les arbitres? ».

Le Syndicat des Arbitres de Football d’Elite (SAFE) veut faire avancer ce sujet et revendique  la reconnaissance du statut de sportif de haut niveau pour les arbitres de l’élite du football français. Le SAFE se félicite des réflexions menées par le secrétariat d’état aux sports « sur une évolution législative du statut des sportifs de haut niveau » qui forment « une excellente base de travail ».

Une loi pour les arbitres de football. lI paraît que le Parlement vote trop de lois bavardes, précaires, circonstancielles, inutiles, mal ficelées et trop souvent mal appliquées, quand elles ne sont pas inapplicables.

Perdu sur la route

Sur la route

Ce 30 octobre, le secrétaire d’Etat aux transports, M. Vidalies, jusqu’alors fort discret sur ce dossier a annoncé que le gouvernement allait résilier le contrat conclu avec Ecomouv’, la société créée pour collecter l’écotaxe.

La suspension sine die de la mise en oeuvre de cet impôt avait été annoncée il y a trois semaines par sa ministre de tutelle, Mme Royal.

Drôle de parcours. Votée en 2008 dans la loi  Grenelle 1 par les représentants de la nation quasi unanimes, cette Taxe Poids Lourds n’a pu être mise en place. En 2010 Mme Royal – alors dans l’opposition – fustigeait le gouvernement sur son report en affirmant qu’en matière d’ « Ecologie une politique courageuse est possible ». Ministre, elle déclare que le « système était absurde et cette taxe n’avait rien d’écologique » avant de la tuer définitivement.

Entre-temps,  Ecomouv’ avait été choisie sur appel d’offres en 2011 et s’était mise au travail en développant les systèmes techniques permettant de collecter cette taxe et en recrutant ses équipes. Le système est opérationnel depuis décembre 2013.

Il n’y a donc plus qu’à résilier et payer pour des installations inutiles, leur exploitation pendant plusieurs mois, les frais de dissolution de la société et les indemnités diverses : le contrat prévoit les modalités de résiliation. Le 31 octobre était une date butoir : la résiliation après cette date exposait semble-t-il l’Etat à une pénalité contractuelle plus élevée. On évoque tout  de même  830 millions d’euros au total.

M. Vidalies indique que le gouvernement a un atout pour diminuer la facture : la lettre de résiliation fera mention de «doutes» émis sur «la validité du contrat au regard des exigences constitutionnelles qui s’imposent à l’Etat lorsqu’il confie à des personnes privées la gestion de certaines activités». Autrement l’Etat aurait préparé un contrat non conforme à la Constitution et Ecomouv’ ne pourrait pas prétendre à l’application de ses dispositions.

Qui a conseillé à M. Vidalies d’oublier à ce point les principes généraux du droit selon lesquels « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » et « les contrats s’exécutent de bonne foi » ?

L’imagination fiscale au pouvoir

Avis d'imposition

Mme Bulteau est députée de la Vendée. Elle est même la première femme députée de gauche qui aie jamais été élue dans cette terre de tradition conservatrice.

Et elle innove.

Récemment elle a décidé d’interroger – par écrit – le ministre des finances et des comptes publics sur «la concurrence que constituent certains sites d’annonces gratuites, notamment pour les professionnels de l’immobilier qui considèrent que celle-ci s’exerce de façon tout à fait déloyale, et même au détriment de l’État, en laissant s’installer un marché parallèle de l’immobilier». La députée a remarqué que les professionnels de l’immobilier perçoivent des honoraires de transaction assujettis à la TVA. Notant que le principal site internet d’annonces gratuites en France propose environ 260 000 annonces immobilières, elle a calculé que faute d’honoraires – qu’elle estime en moyenne à 6 000 euros (hors taxes, bien sûr) – sur chacune de ces transactions on obtient «312 millions d’euros environ de manque à gagner pour l’État». Aussi, elle demande au Gouvernement «s’il envisage de réglementer ces nouveaux usages».

On ne s’étendra pas sur la précision de ces calculs qui assimilent nombre d’annonces et nombre de transactions et ne prennent pas en compte le renouvellement des annonces mais ce qui est vraiment intéressant et innovant c’est l’idée – si on comprend bien – soit d’obliger le passage par un professionnel, soit – encore plus original – d’appliquer de la TVA sur une prestation imaginaire.

Un bon impôt est un vieil impôt !

En transit vers la croissance

Avenir vert

La loi «sur la transition énergétique pour une croissance verte» vient d’être adoptée en première lecture par les députés, socialistes et écologistes. Seul M. Mamère trouvant ce texte «pétri de bonnes intentions» mais «pas à la hauteur» ne l’a pas voté. Même Mme Duflot, pourtant si critique du gouvernement depuis qu’elle n’en fait pulserait s’est félicitée du«premier véritable débat démocratique sur l’avenir énergétique de la France». La ministre, Mme Royal, a estimé que «L’Assemblée démontre que l’on peut réconcilier la croissance et l’énergie», reprenant l’argument de Mme Cosse pour qui la transition énergétique peut «augmenter le pouvoir d’achat des gens et créer de l’emploi».

Le point de départ de cette loi est partagé : nous devons aller vers une société qui consomme moins d’énergie et qui soit moins dépendante des énergies fossiles. En consommant à grande vitesse une énergie fossile aux réserves finies selon des procédés qui dégradent la planète de manière peut-être irrémédiable par la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique l’humanité est engagée dans une spirale mortifère.

Donc consommer moins et mieux d’énergie, et renouvelable.

On connaît les solutions : mieux isoler les bâtiments, développer la production d’électricité «de bas carbone» par les éoliennes, l’énergie solaire et la biomasse. Elles nécessitent des investissements considérables.Travaux d’isolation, construction de centrales à énergie renouvelables mais aussi et surtout le développement du réseau électrique. En effet l’électricité renouvelable est produite là où il y a du vent, ou du soleil pas forcément là où elle est consommée, et étant intermittente, doit être suppléée par des centrales de renfort durant les creux de production.

Investissement donc travaux donc emplois supplémentaires. Du moins si on est capable de réorienter les chômeurs vers ces emplois. Mais pouvoir d’achat certainement pas : dans un premier temps les investissements coûtent sans rien rapporter et à terme la chaîne de production d’énergie restera moins efficace que la consommation «à fonds perdus» actuelle. Nous sommes condamnés à travailler plus pour protéger l’atmosphère et espérer avoir à peine autant.

Au fait en économie la dégradation de notre environnement ça s’appelle une externalité négative : un désavantage collectif que les citoyens ne ressentent pas individuellement. Il y a même un outil pour le traiter : la taxation. Si l’on taxe l’émission de CO2, les acteurs vont chercher à la réduire ; de plus les taxes peuvent contribuer à financer les investissements nécessaires. Mais alors l’énergie va être clairement plus chère et il devient difficile de prétendre que le pouvoir d’achat n’en sera pas affecté.

Voilà sans doute pourquoi Mme Royal s’oppose à toute fiscalité «punitive», là où M. Mamère déclare que «sans fiscalité écologique, il n’y a pas de transition énergétique possible».

La disparition de l’écotaxe

Camion qui fume

Après plusieurs adaptations, reports et difficultés diverses dont la dernière avait été sa transformation en péage de transit poids lourds, l’écotaxe vient d’être reportée sine die.

Triste destin pour un projet voté début 2009 à l’unanimité. Conformément à l’engagement du Grenelle de création d’une «éco-redevance kilométrique pour les poids lourds sur le réseau routier non concédé»  le parlement avait décidé à l’article 11 de la loi de programmation Grenelle I qu’«Une écotaxe sera prélevée sur les poids lourds à compter de 2011 à raison du coût d’usage du réseau routier national métropolitain non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic. Cette écotaxe aura pour objet de financer les projets d’infrastructures de transport.»

Le projet n’était pas original : les Allemands ont mis en place depuis 2005 un «Péage Poids Lourds» pour les véhicules de plus de 12 tonnes empruntant les autoroutes : avec un taux de 14 à 28 centimes du km selon la taille du camion, les recettes atteignent 4,4 milliards d’euros par an, dont 0,6 milliard pour le consortium privé qui a construit et exploite le système de collecte. Les revenus nets financent par parts égales les investissements d’infrastructures routières et non routières.

En France on espérait avec un taux de 12 à 24 centimes payé par tous les véhicules de plus de 3,5 t empruntant 12 000 km de routes – pas les autoroutes payantes – 1,2 milliards d’euros de recettes annuelles dont 0,3 pour EcoMouv le consortium en charge de la collecte. De nombreuses oppositions avaient amené au fil des ans à transformer l’écotaxe initiale en «péage de transit» : seules 4000 km de routes restaient concernées et de nombreux allègements dont l’exonération des ramassages de lait avaient été accordés. On n’en espérait plus que 560 millions d’euros de recettes annuelles et il restait à renégocier avec EcoMouv qui avait développé le système de collecte pour le périmètre initial.

Triste jour pour la couche d’ozone.

Mais sait-on qu’en France le gazole professionnel est presque exonéré de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. ll ne semble pourtant pas que les moteurs de camion produisent moins de CO2. En fait les transporteurs routiers paient la taxe puis ils déclarent leurs consommations aux Douanes qui leur en remboursent 92 %. Il y en a pour 330 millions d’euros par an.

Autrement dit on exonère tous es transporteurs routiers d’une taxe sur le gazole, proportionnelle à leurs émissions polluantes, pour ensuite essayer d’en recouvrer l’équivalent en faisant payer un péage autoroutier à ceux qui circulent sur les principales routes nationales.

Construire des portiques et faire remplir des imprimés c’est lutter contre le chômage.

Le génie français.

Les commissaires passent l’oral

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La Commission européenne doit être renouvelée avant le 31 octobre 2014.

Après le scrutin du 25 mai, les principales formations politiques du Parlement européen se sont d’abord mises d’accord pour désigner leur candidat pour la présidence parmi la formation ayant le plus de députés : M. Juncker. Bien qu’ayant dans un premier temps suscité les réticences de Mme Merkel et n’ayant jamais convaincu M. Cameron, il a été le 27 juin proposé comme président de la Commission au vote du Parlement, qui a ratifié sa nomination le 15 juillet dernier.

Il lui reste maintenant à obtenir le 22 octobre prochain l’investiture de l’ensemble de la Commission par un vote favorable du Parlement. Dans un premier temps chacun des commissaires désignés est soumis à la question par écrit puis durant trois heures d’audition par la commission parlementaire compétente. Si les députés ne sont pas satisfaits, ils peuvent poser des questions écrites complémentaires , voire demander une seconde audition, un « oral de rattrapage », avant de formuler leur avis.

Comme les candidats ont été désignés à l’issue de négociations au plus haut niveau prenant en compte les subtils équilibres tous ces auditions et votes sont d’habitude une simple formalité. Mais pas cette année ; cinq candidats commissaires ont déjà été bousculés. M. Moscovici ancien ministre français de l’économie, qui postule au portefeuille des affaires économiques de l’Union,en charge de la discipline budgétaire, s’est vu demander

M. Juncker va  avoir du mal à faire valider sa liste de 28 commissaires.

Ce n’est vraiment pas facile une équipe de 28. D’autant plus qu’il ne les a pas choisis. Ce sont les états membres qui désignent librement chacun un candidat. Comme ça on comprend bien qu’au sein de la Commission toutes les nationalités sont égales et que seule la compétence compte. Et il revient au président de la Commission de trouver des portefeuilles aux 28 commissaires, avec de vrais sujets,   correspondant aux enjeux de l’Union et aux compétences des commissaires qu’on lui a désignés. A 28 c’est plus difficile qu’à 15 mais M. Juncker y arrivera sans doute car les candidats sont sérieux : celui chargé du numérique a d’ores et déjà déclaré qu’il demanderait à son fils ce qu’est Internet.

Ce mécanisme folklorique est le résultat du traité de Nice de 2001 dont l’objet était de rendre les institutions européennes plus légitimes et plus efficaces dans la perspective de l’élargissement.