La croissance et la dépense publique

Multiplication des pains

Mme Merkel, la chancelière allemande, a reçu M. Valls et lui a rappelé qu’il existait « beaucoup de possibilités de créer de la croissance sans dépenser d’argent public supplémentaire ».

Le lien évoqué entre dépense publique et croissance découle des travaux de John Maynard Keynes (1883-1946) qui ont notamment inspiré durant la crise des années 1930 la politique réussie de relance de l’économie américaine par la dépense publique à crédit, dite du New Deal. Encourager la demande par la dépense publique quand il y a des ressources inutilisées a un effet d’entraînement général sur l’économie avec une augmentation de la richesse nationale supérieure à la dépense. On parle d’effet multiplicateur ; plus tard dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie Keynes reprendra de Richard Kahn (1905-1989) la «théorie logique» du multiplicateur qui estime celui-ci comme l’inverse de la propension à épargner. Cette «théorie logique» confond grossièrement richesse créée et flux de circulation de monnaie et est absurde.

Pour autant Mme Merkel et M. Valls ont quelque raison de lier dépense publique et croissance.

La croissance économique d’un pays est l’évolution – hors variation des prix – de la richesse créée par les activités de production sur le territoire national. Cette richesse est mesurée par le produit intérieur brut (PIB) lui-même somme des valeurs ajoutées. La valeur ajoutée créée par un producteur est la différence entre le prix de vente du produit et la valeur totale des biens et services qu’il a achetés et contenus dans ce produit, y compris les salaires qu’il a pu verser. Pour les services non marchands, notamment les services rendus gratuitement par les administrations (gratuité apparente car ils sont payés par l’impôt) il n’y a pas de vente, donc pas de prix et dans le PIB on considère qu’ils « valent ce qu’ils coûtent ».

Donc s’endetter pour dépenser plus dans les services non marchands, c’est s’enrichir ; et c’est absolument indépendant de la nature du service : augmenter un fonctionnaire, en recruter un autre pour que le premier travaille moins ou pour faire quelque chose de nouveau, ça a le même effet sur le PIB. C’est magique. On peut développer l’emploi et la croissance par la dette. Vraiment bien. Alors que pour la croissance marchande, il faut arriver à vendre sa production et donc trouver des consommateurs prêts à payer pour le produit.

Bien sûr il faut augmenter l’impôt pour rembourser la dette et accepter que progressivement une part croissante de la production soit régie par la puissance publique. Mais ça marche. Ainsi en 1985 la CIA constatait que le PIB par habitant de la RDA était supérieur à celui de la RFA.

Mme Merkel qui pourtant en 1985 habitait Berlin Est n’a semble-t-il toujours pas compris qu’une Trabant, coûtant plus cher à produire qu’une Golf, valait plus cher.

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