Les banquiers sucrent les madeleines

 

madeleines

La biscuiterie Jeannette, fondée en 1850, a été placée en liquidation judiciaire le 3 janvier 2014. Les 37 ex-salariés ne se résolvent pas à la disparition de l’entreprise, et occupent depuis février leur ancienne usine pour éviter la saisie des machines et leur vente aux enchères.  Périodiquement ils produisent des madeleines qui rencontrent un vif succès.

Un entrepreneur souhaitant relancer l’activité de cette marque symbole de la Normandie a lancé une collecte en ligne sur le site de financement participatif Bulb in town. Et ça a marché :   2 076 internautes ont promis de lui verser, bien au-delà de l’objectif de 50 000 euros qu’il s’était  fixé, 100 882 euros qui attestent de l’engouement des consommateurs.

Si le tribunal de commerce de Caen choisit son projet de reprise, les contributeurs obtiendront des contreparties : selon le niveau de leur financement, d’une inscription à vie au Club Jeannette à un abonnement mensuel à la totalité de la gamme des madeleines

Ce projet de reprise est le seul parmi les sept offres déposées à prévoir la reprise de salariés, une dizaine et il relance l’espoir. Seul hic :  il a déjà été refusé par le tribunal de commerce, faute de financement. Aucune banque n’accorde le prêt de 1,5 à 2,8 millions d’euros nécessaire pour ouvrir une nouvelle ligne de production. Alors 100 000 euros …

En fait c’est déjà l’absence de soutien des banques qui avait valu à Jeannette d’être placée en liquidation judiciaire. Après quatre dépôts de bilan – 1997, 2001, 2009 et 2011 – un projet de construction d’une nouvelle usine avait été monté en 2012. Un investissement de 7,5 millions d’euros pour lequel la société propriétaire de Jeannette apportait 2 millions d’euros. Mais même la Banque publique d’investissement (BPI) n’avait pas suivi.

«Jeannette est plébiscitée par le public mais aucune banque ne veut la soutenir», déplore l’avocate des ex-salariés.

Le conseil d’analyse économique (CAE) qui a pour mission « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique » a produit en juin 2013 une note fort intéressante sur le financement des entreprises, note à laquelle a contribué M. Tirole le récent prix Nobel.

Le CAE y rappelait que l’endettement est la principale source de financement externe des entreprises. Mais lorsqu’une entreprise n’est plus en mesure de faire face à ses engagements, elle peut être liquidée et sa dette renégociée selon le droit des faillites. Dés lors les anticipations des prêteurs potentiels quant à la résolution d’éventuelles défaillances sont un déterminant important de l’offre de crédit, et donc de la capacité de financement des entreprises, notamment petites et moyennes. Or le droit des faillites français se distingue très nettement dans les comparaisons internationales par une faible protection des intérêts des créanciers. Pour le CAE cette singularité nuit à la capacité de financement des entreprises et in fine à l’emploi. Autrement dit les banques sont réticentes pour prêter à une entreprise car en cas de difficultés de celle-ci elles peuvent perdre tout le capital apporté en étant les premières « sacrifiées ».

Le CAE recommandait une évolution du droit des faillites vers une meilleure protection des créanciers, inspirée des procédures en vigueur aux États-Unis, où les problèmes de financement sont beaucoup plus rares. Il indiquait que la priorité  donnée à la préservation de l’emploi lors des procédures collectives lui semblait « contre-productive. Les conséquences, parfois dramatiques pour les employés, des réorganisations d’entreprises doivent être prises en compte par d’autres outils que la poursuite coûte que coûte et souvent vaine de l’activité. »

Aucune suite n’a été donnée à cette note.

Il est plus facile de confondre public et clients et de penser que les banques sont vraiment très méchantes.

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