Archives mensuelles : novembre 2014

Tourisme social

Cameron

Mme Dano, née en 1989, et son fils Florin, né en 2009 à Sarrebruck (Allemagne), sont deux citoyens de l’Union européenne de nationalité roumaine. Depuis son installation à Leipzig en 2011 c’est une de ses soeurs qui  héberge Mme Dano et son fils. Mme Dano dispose d’une carte de séjour à durée illimitée délivrée par la ville de Leipzig.

Mme Dano perçoit pour son fils Florin des allocations familiales mais lorsqu’elle a demandé au Jobcenter de Leipzig de lui verser « l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi » (prestation de subsistance, allocation sociale et participation aux frais d’hébergement et de chauffage) prévue par les règles allemandes cela lui a été refusé  : Mme Dano n’a jamais exercé aucune activité professionnelle ni en Roumanie ni en Allemagne.

Dès lors que la directive du 29 avril 2004 relative à la citoyenneté européenne ne prévoit le libre droit de séjour que pour les personnes disposant de ressources propres suffisantes, le Jobcenter de Leipzig a estimé que Mme Dano dont le séjour ne respecte pas ces conditions ne pouvait réclamer l’égalité de traitement avec les ressortissants allemands prévue pour les citoyens de l’Union.

Mme Dano s’est plainte de discrimination auprès d’un tribunal social allemand qui a saisi à son tour la Cour de justice de l’Union pour qu’elle confirme son interprétation de la directive. L’Allemagne a obtenu satisfaction le 11 novembre dernier.

Cette directive du 29 avril 2004 cherche clairement à empêcher que des citoyens de l’Union « économiquement inactifs » originaires d’un État utilisent le système de protection sociale d’un autre État membre pour financer leurs moyens d’existence à ses dépens. La décision de la Cour était prévisible mais le gouvernement allemand n’est pas seul à s’en féliciter.

« Du bon sens » a déclaré le premier ministre britannique M. Cameron qui a déclaré récemment vouloir limiter l’immigration intra-européenne au Royaume-Uni. En France, M. Aliot, vice-président du FN, a estimé que la décision « apporte la preuve que la priorité nationale aux aides sociales est possible ». 

M. Le Roux, chef de file des députés PS a une position plus mesurée sur une décision qui « semble dire des choses justes » mais qui pose un problème dont il juge que « la seule façon de s’en sortir, c’est une harmonisation sociale qui permette, dans tous les pays de l’UE, d’avoir le nécessaire pour subvenir à ses besoins et traiter les maladies ».

Qui pourrait croire qu’en mars 2014 le gouvernement français a soutenu l’Allemagne dans sa procédure devant la Cour de la justice ?

Malaise français

SONY DSC

M. Pisani-Ferry est le fils d’Edgard Pisani ancien ministre du général de Gaulle et de François Mitterrand et l’arrière-petit-neveu de Jules Ferry le ministre fondateur de l’école de la République.

Ingénieur Supélec de formation, il est économiste et depuis mai 2013 commissaire général à la stratégie et à la prospective  –  directeur général de France-Stratégies comme on dit maintenant. Cet organisme – rattaché au Premier ministre – « concourt à la détermination des grandes orientations de la Nation […et…] à la préparation des réformes ».

Dans la dernière livraison de la revue « Le Débat » M. Pisani-Ferry signe un  article sur « La nouvelle question productive » . Il y écrit que la France souffre du « malaise hollandais ».

Alors que prospère la rumeur de désaccords stratégiques entre les deux têtes de l’exécutif faut-il y voir – de la part d’un homme travaillant pour M. Valls – une formule visant la politique économique voulue par le président de la République ?

Pas du tout. Le malaise hollandais (« dutch disease ») est un terme faisant référence à la stagnation économique des Pays-Bas durant les années soixante-dix malgré la découverte de  gisements de gaz naturel considérables. Au cours de ce boom de ressources naturelles les agents économiques auraient délaissé les autres activités pour se focaliser sur cette activité aux gains faciles dont la rente aurait facilité le laxisme dans la gestion privée et publique.

La France n’a pas connu de boom de ressources naturelles ; mais M. Pisani-Ferry estime que le secteur exposé à la concurrence internationale est « étouffé » « par « les rentes dont bénéficient ceux qui en sont abrités ». C’est cette situation qui rendrait atone l’économie française et à laquelle il faut remédier et « pourchasser les rentes de situation »

Sont abritées de la concurrence internationale les activités non délocalisables (services aux particuliers notamment) mais également toutes les activités abritées de la concurrence nationale. Cela fait énormément de potentielles situations de rente – et sans doute presque autant de rentes avérées. Et donc beaucoup de « rentiers », également électeurs, à pourchasser.

Pas facile à faire.Et même à dire.

C’est peut-être bien cela le vrai « malaise Hollandais« .

Le juge et le patron

Code du travail

Une polémique de plus.

M. Gattaz, le président du MEDEF a suggéré que la France dénonce la convention 158 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) sur le licenciement. Celle-ci, en posant des contraintes sur les licenciements, serait un frein à l’embauche.

Si chefs d’entreprises français embauchent peu c’est que se séparer d’un salarié pour une raison ou une autre serait long et coûteux : dans 25% des cas un licenciement débouche sur un contentieux aux prud’hommes qui dure des mois, voire des années.

En effet cette convention 158 stipule qu’«un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise» et que les tribunaux doivent pouvoir « examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement  » et «  décider si le licenciement était justifié  » et « en cas de licenciement motivé par les nécessités du fonctionnement de l’entreprise […] déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, étant entendu que l’étendue de leurs pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement » relève de la loi nationale.

Et en France la loi et la jurisprudence de la Cour de cassation ont donné au juge du fond cette faculté de se substituer à l’employeur pour décider de la suffisance du motif.

Sur le plan du droit M. Gattaz se trompe donc : stricto sensu ce n’est pas la convention qui habilite cette intervention du juge mais la loi française qui a retenu de lui confier des pouvoirs que la convention ne considère qu’éventuels.

Quant aux faits : sur les 28 pays que compte l’Union européenne 10 – Chypre, l’Espagne, la Finlande, la France, la Lettonie, le Luxembourg, le Portugal, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède – ont ratifié cette convention. Leur taux de chômage s’étage de 6,3 % (Luxembourg) à 24,5 % (Espagne) alors qu’il s’étage de 4,9 % (Allemagne et Autriche) à 26,3 % pour les 18 autres. 6 de ces 10 pays (dont les plus grands) présentent un taux de chômage supérieur à la moyenne de l’Union contre 6 (dont les plus petits) parmi les 18 ne l’ayant pas ratifiée.

Pourquoi M. Gattaz ne demande-t-il pas la modification de la loi française ?

Des mois trop longs

 

il-est-en-retard-au-travail-

La désignation de M. Moscovici comme commissaire européen pourrait avoir des conséquences inattendues sur la politique française.

L’ancien ministre de l’économie et des finances était redevenu député du Doubs et il doit démissionner pour prendre ses fonctions à Bruxelles. Cette démission entraîne la tenue d’une élection législative partielle, que le Parti Socialiste a peu de chances de remporter. Et s’il perd ce siège le groupe socialiste républicain et citoyen (SRC) de l’Assemblée nationale ne comptera plus que 288 membres, juste en dessous de la majorité absolue.

Voilà qui rendrait la vie du gouvernement plus difficile.

Et pourtant. Il y a quelques mois, le même gouvernement avait engagé une subtile manoeuvre. Souhaitant que M. Moscovici, redevenu député après le remaniement et son départ de Bercy, devienne à l’automne commissaire européen aux affaires économiques le gouvernement lui avait confié une « mission parlementaire sur la contribution des politiques européennes à la croissance et à l’emploi ainsi que sur la manière dont les agents économiques peuvent s’approprier ces politiques ». Avantage collatéral – voire motivation principale – de cette « mission temporaire »: dès lors qu’elle dure plus de 6 mois, le député qui mène une mission pour le gouvernement est remplacé par son suppléant pour la fin de son mandat, Un scénario qui devait permettre un transfert automatique de M. Moscovici, sans élection.

Mais il n’a été nommé que le 5 mai 2014. Et la Commission Juncker a bien été installée comme prévu le 1er novembre, l’obligeant à démissionner de l’Assemblée nationale. Son suppléant devra briguer le poste devant les électeurs du Doubs dans les 3 mois.

Personne au gouvernement n’aurait noté que 6 mois avant le 31 octobre, c’était le 30 avril et pas le 5 mai. Le gouvernement aurait tenté  d’obtenir une « sorte de dérogation » de la part de Bruxelles pour se voir accorder un délai extraordinaire de quelques jours. Mais le Conseil européen a tenu à rappeler qu’il avait décidé par voie légale que le mandat de la Commission Juncker commencerait le 1er novembre.

Au groupe SRC on s’est résigné : « il y a des règles, il faudra bien les respecter ». Position respectable. Différente de celle tenue sur le déficit budgétaire, mais éminemment respectable.

L’arbitre dégaine trop vite

 

logorrhée legislative

Le ministre veut agir.

Lors du match entre le Racing Club de Lens et le Paris Saint-Germain au Stade de France – c’est du football – l’arbitre a pris des décisions contestées et,  semble-t-il, vraiment contestables.

Il a d’abord expulsé un défenseur lensois et accordé un penalty discutable, transformé sans coup férir par le joueur vedette uruguayen du club de Paris, puis il a exclu ledit buteur par deux cartons jaunes consécutifs : un pour une célébration jugée inappropriée de son but, et l’autre pour l’avoir touché en étant venu lui demander des explications. Quelques minutes plus tard c’est le capitaine lensois qui était à son tour exclu.

M. Braillard, le secrétaire d’état aux sports pose un diagnostic sans concession : « L’arbitrage français ne se porte pas bien, il n’y avait pas d’arbitre français à la Coupe du monde d’ailleurs … L’année dernière il y a eu des problèmes, cette année il y a des problèmes… ».

Il esquisse une solution : « Ne faut-il pas professionnaliser définitivement les arbitres? ».

Le Syndicat des Arbitres de Football d’Elite (SAFE) veut faire avancer ce sujet et revendique  la reconnaissance du statut de sportif de haut niveau pour les arbitres de l’élite du football français. Le SAFE se félicite des réflexions menées par le secrétariat d’état aux sports « sur une évolution législative du statut des sportifs de haut niveau » qui forment « une excellente base de travail ».

Une loi pour les arbitres de football. lI paraît que le Parlement vote trop de lois bavardes, précaires, circonstancielles, inutiles, mal ficelées et trop souvent mal appliquées, quand elles ne sont pas inapplicables.

Perdu sur la route

Sur la route

Ce 30 octobre, le secrétaire d’Etat aux transports, M. Vidalies, jusqu’alors fort discret sur ce dossier a annoncé que le gouvernement allait résilier le contrat conclu avec Ecomouv’, la société créée pour collecter l’écotaxe.

La suspension sine die de la mise en oeuvre de cet impôt avait été annoncée il y a trois semaines par sa ministre de tutelle, Mme Royal.

Drôle de parcours. Votée en 2008 dans la loi  Grenelle 1 par les représentants de la nation quasi unanimes, cette Taxe Poids Lourds n’a pu être mise en place. En 2010 Mme Royal – alors dans l’opposition – fustigeait le gouvernement sur son report en affirmant qu’en matière d’ « Ecologie une politique courageuse est possible ». Ministre, elle déclare que le « système était absurde et cette taxe n’avait rien d’écologique » avant de la tuer définitivement.

Entre-temps,  Ecomouv’ avait été choisie sur appel d’offres en 2011 et s’était mise au travail en développant les systèmes techniques permettant de collecter cette taxe et en recrutant ses équipes. Le système est opérationnel depuis décembre 2013.

Il n’y a donc plus qu’à résilier et payer pour des installations inutiles, leur exploitation pendant plusieurs mois, les frais de dissolution de la société et les indemnités diverses : le contrat prévoit les modalités de résiliation. Le 31 octobre était une date butoir : la résiliation après cette date exposait semble-t-il l’Etat à une pénalité contractuelle plus élevée. On évoque tout  de même  830 millions d’euros au total.

M. Vidalies indique que le gouvernement a un atout pour diminuer la facture : la lettre de résiliation fera mention de «doutes» émis sur «la validité du contrat au regard des exigences constitutionnelles qui s’imposent à l’Etat lorsqu’il confie à des personnes privées la gestion de certaines activités». Autrement l’Etat aurait préparé un contrat non conforme à la Constitution et Ecomouv’ ne pourrait pas prétendre à l’application de ses dispositions.

Qui a conseillé à M. Vidalies d’oublier à ce point les principes généraux du droit selon lesquels « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » et « les contrats s’exécutent de bonne foi » ?