Dieselgate

jeter le bébé

Mme Cosse, secrétaire nationale du parti écologiste EELV, n’a pas manqué l’occasion : le scandale Volkswagen démontre la mascarade du diesel .« Arrêtons de mentir aux Français en les incitant à acheter des voitures soi-disant écologiques […], le diesel propre, ça n’existe pas ». Et elle a réclamé son « interdiction totale » en France d’ici à 2025.

M.Placé, son meilleur ennemi, ne la suit pas sur ce point : il est « pour une écologie positive » qui ne doit pas adresser « un message punitif » aux conducteurs de voitures diesel. Mais il est très conscient : « le sujet diesel, c’est extrêmement nocif pour notre santé : 42.000 morts par an en particulier en raison des particules fines ». Selon lui les voitures Volkswagen immatriculées en France concernées par le trucage « doivent être retirées et le propriétaire doit être indemnisé. Je propose que l’on change la voiture et qu’il puisse y avoir un fonds d’urgence pour aider à la reconversion par rapport au diesel. C’est un sujet de santé environnementale très important ».

D’ailleurs en juin 2012 l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé de classer les fumées des moteurs diesel parmi «les cancérogènes certains pour les humains». Comment de tels véhicules peuvent-ils continuer à rouler ?

Soufflons.

Un moteur diesel émet lors de son fonctionnement trois types de polluants principaux.

Le premier – résultat direct du mécanisme de combustion – c’est le dioxyde de carbone (CO2). Incolore et inodore ce gaz qui aux concentrations habituelles n’a pas d’effet direct sur la santé mais avec une durée de vie d’un siècle et plus il s’accumule dans l’atmosphère où il contribue à l’effet de serre et au réchauffement climatique.

Pour réduire le CO2 émis par un moteur thermique une seule solution, réduire sa consommation. Ce qui au passage allège la facture énergétique de la France.

Sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique (l’enjeu de la COP21) le diesel est efficace : d’une part les moteurs diesel ont un meilleur rendement thermodynamique , d’autre part la distillation même du carburant est plus économe en énergie.

Le second – ce sont les particules fines. Ces poussières, résidus de la combustion, restent plus ou moins longtemps dans l’atmosphère, au gré des vents et des phénomènes thermiques, quelques jours ou quelques semaines avant de se déposer au sol. Les plus dangereuses sont paradoxalement les les moins visibles, les particules fines,  microparticules de moins de 0,25 micromètre de diamètre qui peuvent pénétrer profondément dans les poumons  et y entraîner des réactions inflammatoires parfois très sévères.

La Commission européenne a publié en 2005 un rapport sur les effets sanitaires de la pollution aux particules fines. Ce rapport, basé sur une étude épidémiologique menée auprès d’1,2 million d’Américains entre 1982 et 1998 établissant une corrélation statistique entre exposition aux particules fines et risques pour la santé, estimait qu’en l’an 2 000 42 000 morts prématurées (décès d’adultes survenant avant 65 ans ) avaient été dues à la pollution aux particules fines ; il  prévoyait en l’absence de toute action un chiffre de 35 000 morts pour 2020.

Mais si elles sont causées très majoritairement par le diesel, les émissions de particules fines des transports routiers ne représentaient en 2000 qu’un peu plus de 17 % du total des émissions en France, loin derrière les installations de chauffage – en particulier au bois –  et l’industrie.

Heureusement depuis 2000, des normes plus strictes dans tous les domaines – moteurs diesel, installations de chauffage, industries – ont cherché à ramener les concentrations en dessous des seuils sanitaires : avec un certain succès puisque la réduction des émissions de particules fines est de plus de 40 % entre 2000 et 2013. Ainsi une étude de la Commission de 2011, réalisée uniquement sur les villes – a priori les plus exposées – évalue pour les neuf plus grandes villes françaises  (12 millions d’habitants) à 2 900 les morts prématurées causées chaque année par les particules fines, soit un effet trois fois moindre que dans la première étude. Et les transports routiers contribuent toujours pour 15 % environ des émissions totales.

C’est que depuis 1993 les véhicules diesel neufs doivent être équipés de filtres à particules. Les normes sont régulièrement renforcées : depuis 2009 la norme limite les émissions de particules fines du diesel au niveau de celles de l’essence. Seuls les anciens véhicules diesel, destinés à disparaître progressivement, polluent beaucoup. Les projections de l’ADEME donnent pour 2030 4 fois moins d’émissions de particules fines dues aux transports qu’en 2010. Et parmi celles-ci, la part des particules émises par abrasion ( freins et pneus) ne peut plus être négligée.

Et le cancer ? La corrélation entre exposition aux fumées du diesel et cancer du poumon est mathématiquement incontestable dans l’étude qui a justifié la décision de l’OMS. Mais celle-ci concerne 198 mineurs de fond nord-américains décédés d’un cancer du poumon parmi 12 315 suivis durant leur carrière professionnelle depuis la fin des années 1950 jusqu’en 1997 : ceux qui étaient exposés à de « hauts niveaux d’émissions » diesel produites par les appareils d’extraction et de transport du minerai ont été près de trois fois plus touchés. Mais les niveaux d’exposition en cause étaient extrêmement élevés.

Le troisième – ce sont les oxydes d’azote (le monoxyde et le dioxyde d’azote – NOx). Le dioxyde d’azote se transforme en l’espace d’une journée dans l’atmosphère en acide nitrique, qui retombe au sol contribuant à l’acidification des milieux naturels. Il est également responsable de la formation d’ozone, un redoutable gaz à effet de serre. Dans le cadre de la lutte contre les pluies acides on a cherché depuis la fin des années 1980 à en  réduire les émissions  et elles ont été divisées par 2 entre 1990 et 2013.

Dans l’air le dioxyde d’azote est un gaz toxique pouvant entraîner à des concentrations élevées une inflammation importante des voies respiratoires. Les études épidémiologiques ont montré que les symptômes bronchitiques chez l’enfant asthmatique augmentent avec une exposition de longue durée. Pour autant l’OMS n’a identifié aucun effet toxique direct permettant de fixer un seuil incontestable. En réalité les NOx sont en général associés à d’autres polluants et ces études laissent penser que c’est cette association qui pourrait avoir des effets sanitaires.

Les NOx apparaissent dans toutes les combustions à haute température de combustibles fossiles. Les véhicules routiers sont responsable de plus de la moitié des émissions de NOx et les moteurs diesel en rejettent plus que les autres. En Europe ce n’est que depuis 2001 qu’on s’en préoccupe avec des normes spécifiques aux NOx,  normes dont les limites ont été divisées par 8 en 14 ans pour les diesels.

Techniquement il s’agit de traiter ces NOX avant qu’ils soient rejetés dans l’air en équipant les moteurs de dispositifs ad hoc. Deux solutions techniques existent : le système SCR (Selective Catalytic Reduction)  ou la vanne EGR (Exhaust Gas Recirculation). Le premier est plus efficace, mais plus encombrant, plus cher et plus contraignant car il consomme de l’urée dont le réservoir doit être régulièrement rempli. Une vanne EGR est moins performante, parfois difficile à régler et peut conduire à l’encrassement du moteur et à une diminution de ses performances, mais facile à installer. En fait les vannes EGR ne sont plus à même de répondre aux dernières exigences normatives, trop sévères.

En 2007 lorsqu’il a voulu commercialiser sur le marché américain ses véhicules diesel Volkswagen a été confronté à des normes américaines sur les NOx alors plus exigeantes que les normes européennes. Mais il a préféré en rester à une solution par vanne EGR. Et pour échapper aux problèmes posés par ces vannes, il la conçu un logiciel moteur qui ne les active qu’en situation de tests. En circulation réelle – le fonctionnement de la vanne était inhibé.  Avec un bénéfice pour le conducteur dont le véhicule est plus fiable et plus puissant. Mais des NOx émis sans contrôle comme dans les années 1990.

Et il semble bien que devant le succès de cette fraude VW ait, à partir de 2008, équipé de ce logiciel tous les véhicules équipés du moteur en cause. Sans grand risque puisque pour la France par exemple les émissions « non règlementaires » de ces moteurs représentent environ 1,2 % des émissions totales des NOx. Et donc un effet indétectable.

Fraude condamnable, qui montre également la limite des tests.

Mais qui n’oblige pas à perdre le sens.

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