Vingt ans après

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Lors de la campagne présidentielle de 1992 Al Gore, vice-président des États-Unis souhaitant illustrer la nécessité d’une infrastructure technique pour la révolution de l’information alors à peine émergente popularisait le concept d’ « Autoroutes de l’information ».

En février 1994, le gouvernement français, conscient des « considérables enjeux industriels, économiques et de société liés à cette évolution » demandait la réalisation d’un rapport sur le sujet.

Intitulé sobrement «  Les autoroutes de l’information »  ce rapport de juillet 1994 confirmait que la révolution de l’information était appelée « à modifier fondamentalement les structures économiques, les modes d’organisation et de production,, les loisirs, les méthodes de travail et les relations sociales ». Il rappelait l’origine de « cette révolution, rendue possible par des ruptures technologiques récentes, [qui] se caractérise par l’apparition de nouveaux concepts et la fin de la pénurie d’information. » Et qui  « se manifestera par une numérisation totale des contenus et de la chaîne de télécommunications, qui permet l’établissement d’une continuité numérique pour la transmission de toutes les données. »

A cet égard le rapport mettait en  évidence  « le succès d’Internet – plus de vingt millions d’utilisateurs [qui démontrait] qu’il existe une demande fortement croissante pour un réseau universel capable de véhiculer des informations de toute nature, et en particulier du multimédia ».

Le rapport rappelait d’ailleurs que « dans l’esprit du Vice Président Al Gore, [Internet, ce réseau des réseaux] pourrait constituer l’épine dorsale d’un réseau d’autoroutes à la fois national et international ».

Mais en quelques lignes bien senties le rapport entendait faire raison de cette prétention du politicien américain. Internet était techniquement  « inapte à offrir des services de qualité en temps réel de voix ou d’images », peu sûr car un message y circulant « peut être intercepté et lu impunément » , peu fiable et confronté à « des embouteillages pouvant conduire à des pertes de messages » et enfin « mal adapté à la fourniture de services commerciaux »  faute « d’annuaire des utilisateurs ou des services » et « de moyen de facturation « . En fait « son mode de fonctionnement coopératif n’[était] pas conçu pour offrir des services commerciaux » et  « Sa large ouverture à tous types d’utilisateurs et de services fait apparaître ses limites. » Le rapport ne pouvait que conclure  que « Les limites d’Internet démontrent ainsi qu’il ne saurait, dans le long terme, constituer à lui tout seul, le réseau d’autoroutes mondial ».

Et comme sur le plan technique  l’utilisation de l’ADSL  « système complexe » et «  très coûteux »  ne pouvait que rester « limitée à de gros consommateurs de services vidéo, les seuls à pouvoir justifier un tel investissement sans perspective d’évolution. » le rapport concluait que « la fibre optique est nécessaire pour l’accès des utilisateurs aux services multimédia ». Et suggérait qu’un premier déploiement de la fibre soit « entrepris rapidement » pour « un volume approximatif de 4 à 5 millions de lignes ».

Il est évidemment facile vingt ans après de constater l’inadaptation de cette prospective quelque peu péremptoire. Il est difficile de prévoir l’avenir. Mais pourquoi dans ce cas, ne pas se taire ?

Le rapporteur, M. Théry,  était l’ancien directeur général de France Telecom.  Et pour lui « « France Télécom devrait être appelé à jouer un rôle essentiel «  dans le déploiement du réseau. A vrai dire « L’augmentation du budget d’investissement de France Telecom affecté au raccordement des abonnés en régime stable ne serait que de 5 à 7 milliards de francs »  L’urgence était donc de le prévoir lors de   » la préparation à très court terme du prochain contrat de plan de France Télécom. »

En fait un rapport voulu comme  prospectif, était devenu une pièce du débat technocratique entre le ministère du budget et le ministère de l’industrie sur l’avenir de l’opérateur public.

Pour sa part c’est dès septembre 1993 qu’Al Gore avait initié un groupe de travail (Information Infrastructure Task Force) présidé par le Secrétaire au commerce chargé de définir les « politiques globales en matière de télécommunications et d’information qui répondent le mieux aux besoins des organismes compétents et du pays ». Groupe dont le travail se concluait en décembre 1994 par une simple déclaration de principes. Dont les principaux étaient : 1. C’est aux acteurs commerciaux en concurrence qu’il revient de conduire le développement des réseaux. 2. Les communautés locales ont un rôle premier dans l’éducation et l’accès aux nouveaux usages. 3. Le gouvernement ne doit intervenir que comme catalyseur et régulateur en cas de défaillance  des acteurs du marché pour l’accès. universel au réseau et aux services.

 

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