« Les huitième à dixième alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution sont supprimés. »
Voici la proposition de loi organique qu’ont déposée huit sénateurs, passablement mécontents.
La loi organique qu’ils voudraient modifier avait introduit une nouveauté : dorénavant les projets de lois soumis au vote des parlementaires doivent faire l’objet d’une « étude d’impact ». Et les alinéas 8 à 10 dudit article 8 de cette loi précisent que les études d’impact doivent « [exposer] avec précision […] l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue, l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public » et « les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État ».
Alors que le gouvernement présenet des projets de lois toujours plus nombreux dans des domaines de plus en plus techniques et complexes, il lui est demandé d’en étudier précisément toutes les conséquences concrètes prévisibles afin d’éclairer le vote des parlementaires. Rien donc que de très raisonnable.
Nos sénateurs en demandant la suppression de cette disposition veulent-ils s’éviter la lecture de documents trop lourds, et conserver le droit inaliénable de voter des lois sans savoir de quoi il en retourne ? Ou plus cyniquement encore veulent-ils pouvoir garder le prétexte de l’ignorance des conséquences de leurs choix en cas de critiques des citoyens, et pour cela organiser cette ignorance ?
Non. Ils tirent simplement les conséquences de la décision n° 2014-12 FNR du 1er juillet 2014 du Conseil constitutionnel.
Le gouvernement avait annoncé que la réforme des régions permettrait d’économiser chaque année « de 12 à 25 milliards d’euros » économie ramenée dans un second temps à « une dizaine de milliards d’euros ». Las, l’étude d’impact du projet de loi projet de loi relatif à la délimitation des régions, etc n’expliquait pas l’origine de ces valeurs et les principes de calcul utilisés et n’abordait pas plus la question des conséquences sur l’emploi public.
Ce qui a amené le groupe radical du Sénat à demander au Conseil constitutionnel de faire reprendre sa copie au gouvernement, ce afin d’avoir quelques éclairages.
Mais le Conseil a, sans procéder à un examen au fond de l’étude d’impact, déclaré qu’elle exposait « les raisons des choix opérés par le gouvernement et en présente les conséquences prévisibles » et l’a validée, en précisant notamment « qu’il ne saurait en particulier [lui] être fait grief de ne pas comporter de développements sur l’évolution du nombre des emplois publics » parce que la modification de ce nombre ne fait pas partie des « objectifs du projet de loi » déclarés,
Pour répondre aux exigences de la loi organique, l’étude d’impact pouvait se contenter de présenter les principales caractéristiques de la réforme et de formuler quelques affirmations sur ses conséquences économiques, financières et sociales, même non argumentées et non documentées, Qu’elle soit en total décalage avec la définition formelle de ce que doit être une étude d’impact n’est pas répréhensible.
C’est la pratique générale : il n’y quasiment rien en termes d’évaluation des coûts et bénéfices financiers attendus dans les études d’impact des projets de loi. Etudier sérieusement tout ça demanderait du temps et du travail aux administrations et ça empêcherait de prendre des lois au rythme soutenu que l’état de la Nation exige.
Alors nos sénateurs, pensant qu’une disposition vidée de son sens est inutile et relève plus du théâtre que du bon gouvernement de la France en proposent la suppression.
Sans succès.