Le commissaire européen à l’Economie numérique a publié il y a quelques jours une tribune sur le site internet du quotidien économique Les Echos.
Pas pour y parler d’économie numérique. Pour y parler de l’économie de la France.
Il y écrit que la Commisison européenne «doit traiter la France en tant que pays déficitaire récidiviste». Pour lui, la Commission perdrait «toute crédibilité» si elle prolongeait «pour la troisième fois le délai accordé» à Paris pour ramener son déficit public dans les clous «sans exiger des contreparties très concrètes et précises».
De fait le traité de Maastricht prévoit depuis 1993 que les États européens de la zone euro présentent un déficit public inférieur à 3% de leur produit intérieur brut (PIB).
Depuis 1993, la France n’a respecté cette règle qu’entre 1998 et 2002 et entre 2005 et 2008. Pour prévenir et corriger les écarts budgétaires des États, l’Union Européenne avait adopté en 1997 le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Pourtant ce n’est qu’en avril 2009 que le Conseil de l’UE a placé la France, pour un déficit constaté en 2008 à 3,4 % du PIB, sous la procédure de déficit excessif prévue par le PSC. Le Conseil de l’UE lui a alors accordé jusqu’en 2012 pour respecter la barre des 3% du PIB. Objectif reporté à 2013 en décembre 2009. En 2010, au vu de l’engagement de réduction du déficit pris, le Conseil a suspendu la procédure. Le candidat François Hollande avait repris dans son programme cet engagement ; en février 2013 M. Moscovici, alors ministre de l’Economie le confirmait encore. Mais en mai 2013 après que la Commission européenne avait indiqué s’attendre à ce que la France ne puisse le tenir, la France a obtenu un nouveau report à 2015.
En septembre dernier, le successeur de M. Moscovici, M. Sapin a annoncé vouloir repousser l’objectif de 2015 à 2017. Mais les modalités de contrôle ont été modifiées. Depuis mai 2013, le «Two-Pack» encadre le processus d’élaboration des budgets nationaux. Les États doivent maintenant communiquer à la Commission européenne leur projet de budget avant le 15 octobre de chaque année et la Commission adopter un avis avant la fin novembre : si elle estime que le budget présente un «manquement particulièrement grave», elle peut en demander la révision. Sans attendre l’officialisation d’un nouveau report, la France lui a transmis un budget 2015 présentant un déficit de 4,3% du PIB, soit 0,1 % d’économie par rapport à la dernière prévision pour 2014. Tout en assurant que les 3 % seraient respectés en 2017. La Commission n’a pas encore rendu son avis, mais pour ne pas avoir à rendre un avis négatif, elle demanderait à la France des réformes structurelles en matière d’équilibre financier des systèmes de retraite et de sécurité sociale et suppression de rigidité du marché du travail.
M. Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste n’a pas apprécié la chronique. Il traite de «dérapage incontrôlé» les termes du commissaire qui « s’est lancé dans une diatribe hors de propos contre la France alors que la Commission a accepté son budget en déclarant que la France est un ‘pays déficitaire récidiviste’». Il y voit une «agression [qui] outrepasse ses prérogatives et surtout la nécessaire réserve d’un commissaire», appelle à sa démission et estime que la Commission européenne doit le sanctionner.
Le commissaire européen chroniqueur s’appelle M. Oettinger. Il est allemand.
Le communiqué de M. Cambadélis a eu peu d’échos dans les médias.