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Des comptes trop courts

emprunt toxique

En 2006, la Métropole de Grenoble devait payer les travaux du stade des Alpes. Lors de la séance du conseil métropolitain du 24 novembre 2006, Madame Fioraso, alors première vice-présidente chargée des finances, a proposé au vote un programme d’emprunts pouvant atteindre 120 millions d’euros, dont 40 auprès de la banque Dexia .

Elle a expliqué en séance : « On bénéficie de taux bien plus avantageux si l’on négocie une somme globale. Oui, le taux est beaucoup plus intéressant, cela ne veut pas dire que l’on dépense tout ». Les élus de droite et écologistes ont voté contre mais la délibération a été adoptée.

Finalement la métropole a emprunté 25 millions d’euros auprès de Dexia. Avec une formule d’évolution des taux bien particulière, puisque faisant intervenir la parité de l’euro contre le franc suisse (EUR/CHF) :

  • tant que le taux de change EUR/CHF > 1,45 : Taux fixe = 4,34 %
  • sinon : taux = 6,14 % + 65 %* (1,45/EUR/CHF – 1). Par exemple, si la parité CHF/EUR revient à 1,45 le taux devient 6,14 % et si elle descend à 1,10 le taux d’intérêt est égal à 26,82 %

Que vient faire la parité euro/franc suisse dans cette opération de financement ? A vrai dire rien mais en contrepartie le taux était un peu inférieur à celui d’un emprunt à taux fixe « classique ». Certes on ne pouvait anticiper l’évolution du taux de change mais l’économie était réelle pour le budget 2007. Et comme à l’époque la parité était de 1,65 le risque était bien minime…

D’autant plus que la Métropole de Grenoble n’était pas en très bonne situation financière : son épargne nette (différence entre l’autofinancement et le remboursement du capital de la dette) était proche de zéro. Et comme les collectivités locales n’ont pas le droit de voter un budget avec une épargne nette négative souscrire de tels emprunts fin 2006 permettait de dégager quelques marges de manoeuvre bien utiles pour assurer en 2007 de nouvelles dépenses indispensables avant des élections municipales prévues en mars 2008.

On sait ce qu’il en est advenu de l’euro face au franc suisse : dès 2010 le cours de 1,45 était enfoncé. Et aujourd’hui il tourne autour de 1,10.  Conséquence, les emprunts sont devenus « toxiques ». La faute à Dexia qui a inventé des produits pour tromper des collectivités bien faibles devant une banque trompeuse ?

En fait aucun particulier, aucune entreprise ne souscrit à des conditions aussi étranges où l’on échange un faible gain certain et immédiat contre une forte perte peu probable dans le futur. Cela ne répond guère aux règles de simple prudence et de bonne gestion financière qu’on attend d’une collectivité dépensant l’impôt.

Et le président de la métropole – contrairement à d’autres élus- a eu la décence d’éviter de se poser en victime.

Il est vrai qu’il se nomme Didier Migaud.

Depuis lors nommé premier président de la Cour des comptes.

L’avion de la fortune

Visa

Le 28 juillet 1951 l’ONU adopte la convention de Genève relative aux réfugiés. Désormais une personne craignant « avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. » a droit à l’asile. Et après le protocole de New-York qui en 1967 supprime dans la convention toute restriction temporelle et géographique, toute personne fuyant son pays peut obtenir l’asile dans n’importe quel pays signataire.

Principe empreint d’une grande générosité.

Pour l’application duquel les Etats ont pris leurs dispositions.

Certes ils accordent à tout demandeur arrivant sur leur sol le droit de déposer une demande d’asile et s’engagent à lui accorder le statut de réfugié si, après examen, ils considèrent qu’il en relève bien. Mais il n’est jamais facile de renvoyer dans son pays d’origine un demandeur débouté. Et même acceptés les réfugiés peuvent être une charge économique pour la collectivité. Alors les Etats veillent à recevoir le moins possible de demandes.

Pour cela ils ont édicté des règles punissant de lourdes pénalités et amendes tout transporteur international faisant débarquer sur leur sol un voyageur ne disposant pas de visa et qui ne serait pas reconnu réfugié par la suite. Devant cette menace c’est le transporteur qui interdit l’embarquement du candidat à l’asile ; pas d’embarquement, pas de débarquement et pas de dossier à instruire. Certes le candidat à l’asile peut espérer obtenir un visa humanitaire du pays qu’il souhaite rejoindre. Mais ces visas sont délivrés discrétionnairement. S‘il n’en a pas  le candidat à l’exil doit se résoudre à franchir illégalement les frontières par ses propres moyens pour accéder au pays dans lequel il souhaite formuler sa demande.

Régulation par le coût et le risque de l’exil.

Non assumée mais bien réelle.

Dans l’Union européenne et pour éviter qu’un candidat à l’asile débouté dans un pays ne profite de la facilité de circulation entre pays propre à la zone Schengen pour errer de pays en pays sous prétexte de formuler une nouvelle demande, les Etats ont convenu qu’une seule demande serait recevable. Le candidat doit la déposer dans le premier pays européen où il a débarqué.

Mais avec l’embrasement des guerres civiles en Afrique et au Moyen-Orient, conséquences directes parfois d’interventions occidentales aux effets mal anticipés, le nombre de réfugiés a explosé. Syriens, Afghans, Erythréens, etc sont des millions à fuir leur pays et à vouloir trouver refuge en Europe.

Et malgré les risques des traversées illégales organisées par des passeurs sur des navires surchargés ils se pressent aux portes de l’Italie et de la Grèce, les deux pays les moins difficilement accessibles. Et dont les gouvernements se sont retrouvés débordés par des flux de migrants bien supérieurs à leurs capacités d’accueil. Rapidement le gouvernement grec a choisi de fermer les yeux sur le flux de migrants traversant la Grèce vers la Macédoine et le nord de l’Europe, normalement interdit. Au contraire il l’a encouragé, pour ne pas avoir à supporter seul la charge de leur hébergement, avant que les pays européens se mettent plus ou moins d’accord et très difficilement pour organiser l’évacuation de ces réfugiés débarquant en Grèce vers des pays acceptant de les accueillir, essentiellement en Europe du Nord.

Pour traiter le problème, les pays de l’Union n’ont pas choisi d’offrir des visas humanitaires à ces millions de réfugiés. Non, malgré les grands principes des accords internationaux, chacun des dirigeants européens est plus ou moins convaincu que ses concitoyens ne sauraient accepter une brusque arrivée de 1 % de population supplémentaire, de langue et de culture différentes. D’autant plus que cet accueil s’accompagnerait, au moins au départ, de dépenses de solidarité très importantes, susceptibles d’impacter le niveau de vie de tous les citoyens, qui ne seraient pas prêts à l’accepter. A vrai dire jamais la question ne leur a été posée clairement.

Finalement les dirigeants européens ont convenu d’une autre solution : sous-traiter la gestion du problème à la Turquie. Moyennant quelques milliards d’euros versés par les pays européens la Turquie accueillera les migrants qui lui seront renvoyés par la Grèce, bien entendu selon les règles de la convention de Genève. Le cas échéant le gouvernement turc les renverra vers leur pays d’origine. Mais avec ses méthodes et ses procédures, souvent dénoncées par les même pays européens pour leur brutalité. Mais si efficaces.

Au mois d’avril le pape François s’est rendu en Grèce sur l’ïle de Lesbos, là où débarquent ces migrants qui désormais seront refoulés vers la Turquie. Emu de la situation il a solennellement demandé  « à tous les pays », tant que dure « la situation de nécessité » « d’étendre l’asile temporaire » et d’octroyer « le statut de réfugié à ceux qui sont éligibles ».

Et prêchant par l’exemple il a ramené au Vatican, dans son avion, douze réfugiés syriens. Trois familles de quatre personnes sélectionnées parmi 20 000 personnes attendant dans les camps de  l’île.

Interrogées sur leur processus de sélection les autorités les autorités vaticanes ont expliqué ; elles souhaitaient aider des familles. Mais soucieuses de ne pas interférer avec l’accord Turquie-Union Européenne, elles ne souhaitaient aider que des migrants disposant de papiers d’identité en règle et ne devant pas être renvoyés en Turquie. Et dès lors qu’elle s’intéressaient à des migrants dans « des conditions particulièrement vulnérables » le choix des trois familles s’était imposé de lui-même.

Des critères très administratifs pour accorder un visa humanitaire.

Manifestation propre à la charité chrétienne ou reconnaissance par un état souverain des contraintes de la real politik ?

 

Les malheurs de François

Chaton triste

François est né il y a 38 ans à Aurillac. Son père, un auvergnat de souche, y tenait une boutique de reprographie tandis que sa mère – une bretonne – enseignait l’anglais au lycée de la ville.

Quand il a neuf ans sa famille quitte l’agglomération aurillacoise pour rejoindre Chamalières, près de Clermont-Ferrand. Au collège il connaît un moment de célébrité lorsque ses camarades le désignent pour les représenter au conseil régional des jeunes d’Auvergne. Elève précoce il obtient en 1995, à 17 ans, son baccalauréat scientifique avec la  mention « Assez Bien ». Mais aux sciences il préfère le droit public, qu’il va étudier à l’université de Clermont-Ferrand-I. En 1999, le jeune homme rejoint Paris pour y poursuivre ses études à l’université Panthéon-Sorbonne ; François obtient un DESS de Science politique – Spécialité Administration du politique en 2001.

Pour son stage de fin d’études il sollicite trois hommes politiques dont M. Bartolone, alors ministre de la ville, qui le retient. A l’issue du stage il le  recommande à Mme Lepetit, toute récente maire du 18e arrondissement de Paris. François en devient immédiatement le collaborateur.

Il est chargé des questions relatives à la sécurité et la toxicomanie et participe activement à l’élaboration du contrat local de sécurité de l’arrondissement. Il s’inscrit au Parti Socialiste. Et tout naturellement, d’agent municipal il devient collaborateur de cabinet puis en 2008 candidat aux élections municipales. A vrai dire, et M. Vaillant le maire d’arrondissement n’en fait pas mystère, avoir sur sa liste un homme jeune et auvergnat dans un arrondissement populaire où bien peu d’électeurs sont des Parisiens de souche est un bon choix. Il est élu au Conseil de Paris et désigné comme adjoint au maire de Paris, chargé de la prévention et de la sécurité.

A peine élu François est appelé au conseil national du Parti socialiste et en 2012 à son bureau national. Lors de la campagne des élections municipales de 2014 à Paris, il est l’un des porte-parole de Mme Hidalgo. Mais si la future maire le pousse pour prendre la tête de liste dans le 18e arrondissement, M Vaillant lui préfère un autre successeur. C’est le premier accroc dans cette belle ascension. Vite corrigé puisqu’en mai 2014 il devient secrétaire national du Parti socialiste chargé des questions de sécurité, et quelques mois plus tard secrétaire d’État à la Politique de la Ville. Il est le benjamin du gouvernement.

Et sa progression ne s’arrête pas là : en septembre 2015 il est nommé  ministre du Travail. Sa promotion imprévue à ce poste de premier plan étonne. Comment un jeune homme dont la carrière politique se limite à adjoint municipal mais n’a jamais été parlementaire et n’a aucune formation ni expérience personnelle du milieu de l’entreprise ou du droit du travail peut-il avoir été choisi pour ce ministère ?

Début 2016 François se retrouve chargé d’un projet de loi réformant le Code du travail, reprenant l’essentiel du projet dit « Nouvelles opportunités économiques » qui avait été préparé par M. Macron.

Mais ce projet de loi suscite une forte opposition. Un des anciens collègues de François à la mairie de Parie déclare être « humainement, personnellement et politiquement déçu » qu’il porte ce projet et la maire elle-même en demande le report. François est dépassé par les critiques de tous bords. La presse et les commentateurs politiques lui font un procès en incompétence : François est trop jeune, trop inexpérimenté, trop mal formé, trop dépendant du premier ministre.

Heureusement ses soutiens se mobilisent  ; François, expliquent-ils, est compétent, sérieux, honnête mais il n’est mis en cause que parce qu’il est un jeune auvergnat et victime à ce titre de discriminations injustes. Position relayée par nombre d’associations masculinistes et régionalistes.

Sans grand écho. Preuve supplémentaire de cette discrimination ?

 

Je suis Charlie … mais je ne sais pas pourquoi.

Conjugaison

Ce matin-là Madame Badinter, la milliardaire héritière et présidente du conseil de surveillance de Publicis, groupe de publicité fondé par son père, était reçue sur la radio du service public. Pas en tant que capitaliste à vrai dire mais comme philosophe soutenant Charlie-Hebdo dans son laïcisme de combat.

Madame Badinter considère que la laïcité « à la française » est de mieux en mieux établie dans notre pays et nous protège des extrémistes de tout bord.  Pour elle il faut donc la promouvoir et la défendre sans relâche, Et voilà qu’une journaliste, Mlle Salamé, l’interpelle vivement sur une de ses déclarations récentes  : « Est-ce que la défense de la laïcité – qui est un combat nécessaire – va jusqu’à dire ce matin sur France Inter « Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe » ? Continuer la lecture

Mono modal

Meccano port

En juin, 2008 le Conseil de surveillance du Grand Port Maritime du Havre décidait de s’engager dans la réalisation d’un terminal multimodal unique en France.

Les opérateurs de transport combiné, qui acheminent les conteneurs débarqués au port,se montraient impatients de voir le projet lancé et d’y participer. « Le Havre, port majeur et porte d’entrée sur le Grand Paris, devait se doter d’un système d’optimisation du traitement de ses conteneurs. Le terminal multimodal, que nous partagerons avec des acteurs de qualité du transport combiné, est un outil industriel haut de gamme, élément majeur dans l’offre massifiée » déclarait le premier d’entre eux tandis que ses collègues renchérissaient : «nous avons besoin d’un système structuré et efficace nous permettant de traiter les conteneurs qui transitent par le port du Havre et notamment par Port 2000 : la plateforme havraise, avec ses deux postes fluviaux dédiés, nous offre la possibilité d’opérer ensemble sur un terminal multimodal et donc de développer plus largement des solutions alternatives au tout routier» « Un lieu de massification tel que la plateforme multimodale havraise, qui allie les différents modes, participe à pérenniser la confiance des clients et donc à augmenter les volumes traités » . Continuer la lecture

Embrassons-nous M. Le Foll

Vache et cochon

Des tables rondes qui tournent mal.

S’appuyant sur les termes de l’article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne qui interdit notamment de « fixer de façon directe ou indirecte les prix et les conditions de transaction », de « limiter la production, les débouchés, les investissements… » et de « répartir les marchés ou les approvisionnements » la Commission européenne s’inquiète des multiples tables rondes organisées par M. Le Foll le ministre de l’agriculture au cours de l’année 2015.

Ces fonctionnaires à l’esprit étroit voient dans ces réunions des acteurs des filières porcine, bovine et laitière françaises organisées pour tenter de trouver des solutions aux crises récurrentes de ces filières autant d’incitations ministérielles à conclure  « un ou  plusieurs accords sur les prix et les restrictions sur les importations » parfaitement illégaux. Et des allégations de comportements anticoncurrentiels dans les déclarations faites à leur occasion par les organisations professionnelles agricoles, les entreprises des filières concernées et les enseignes de distribution, comportements qui pourraient constituer autant d’infractions .

Tous les participants aux tables rondes Continuer la lecture