Dessine-moi une maison

Manif DAL

Mme Happi est une quadragénaire camerounaise, régulièrement établie en France depuis de longues années. Elle vit avec sa fille et son frère dans un logement parisien depuis 2003.

Un architecte mandaté par la Préfecture de police ayant constaté, le 9 juillet 2009, que la stabilité et la solidité du plafond de la cuisine de son logement n’était pas assurées et que cela « constituait une situation de péril » Mme Happi avait tout d’abord demandé que son logement soit remis en état. N’ayant pas eu satisfaction et ne s’étant pas vue attribuer rapidement le logement social auquel elle pouvait prétendre, elle a fait un recours auprès de la Commission de médiation DALO de Paris. Par une décision du 12 février 2010, cette commission créée par la loi du 5 mars 2007 instituant un « droit au logement opposable » (DALO)  les désigna, elle et son frère, comme prioritaires et devant être relogés en urgence.

Mais au terme du délai de six mois prévu par la loi elle ne s’était vue proposer aucun logement social. Elle saisit alors le tribunal administratif de Paris. Celui-ci le 28 décembre 2010, enjoint au préfet de la région Ile-de-France d’assurer son relogement, sous peine d’encourir une astreinte de 700 euros par mois.

Le 31 janvier 2012, Mme Happi n’étant toujours pas relogée, le tribunal administratif liquidait l’astreinte et contraignait l’État à verser la somme de 8 400 euros au Fonds d’aménagement urbain de la région d’Ile-de-France. Ce fonds, géré par les services de l’État, finance le logement social.

Ainsi la loi sur le droit au logement opposable donne à Mme Happi le droit de figurer sur une liste de bénéficiaires prioritaires audit droit  mais pas un logement.

D’ailleurs comment en serait-il autrement ? Le nombre de logements sociaux dont dispose sur Paris le préfet pour procéder au relogement est d’environ 1 300 par an alors que la liste des bénéficiaires prioritaires comporte 18 000 ménages en attente. Et elle ne fait que s’allonger puisque le volume de décisions favorables de la commission de médiation DALO est six fois plus important que le contingent préfectoral en logements sociaux. En 2014, 8 519 personnes ont fait condamner l’État pour non relogement malgré leur inscription sur la liste.

Fin de l’histoire ?

Pas pour Mme Happi qui s’est tournée vers la Cour Européenne des Droits de l’Homme, pour se plaindre de l’absence d’effet de la décision de justice enjoignant au préfet de la reloger, l’astreinte n’ayant clairement pas rempli son office.

Ce 9 avril la Cour de Strasbourg a reconnu la France coupable de violation du droit à une procédure équitable en n’ayant pas exécuté, après plus de trois ans, la décision de justice la concernant. « Ce défaut d’exécution du jugement en question ne se fonde sur aucune justification valable », ont affirmé les juges face au gouvernement français qui avait tenté de se justifier par un manque de ressources.

La Cour européenne affirme que le droit au logement opposable doit devenir effectivement opposable. Autrement dit il faut prendre les moyens des lois qu’on décide. Ou alors ne pas les voter.

On notera parmi les personnalités qui avaient fait part début 2007 de leurs réserves sur le projet de loi DALO Mme Royal qui tout en « approuvant le principe », estimait, compte tenu de la pénurie de logements sociaux  que la réforme  n’était « pas applicable » et relevait d’ « une forme de tromperie » et M.  Hollande qui , pour sa part, le déclarait irréaliste. Tous deux, comme l’ensemble de l’opposition s’étaient abstenus, permettant au texte d’être adopté à l’unanimité.

Il ne semble pas qu’à ce jour le plafond de la cuisine de Mme Happi lui soit tombé sur la tête.

 

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