Le gouvernement a présenté début juillet un « Plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun ». Certes les 12 mesures du plan ne présentent pas toutes un caractère très opératoire mais l’initiative est là.
Elle est à porter au crédit de Mme Touraine la ministre de la Santé, des Affaires Sociales et des Droits des femmes et de sa secrétaire d’État chargée des Droits des femmes Mme Boistard qui avaient saisi de la question le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh).
Cet organisme rattaché au premier ministre avait dressé un état des lieux et proposé, dans un avis détaillé, les pistes de travail reprises par le gouvernement. Les travaux du Haut Conseil s’appuyaient largement sur les résultats d’une étude exploratoire sur Les violences faites aux femmes dans les transports collectifs terrestres réalisée à la demande du ministre des transports par le Centre international pour la prévention de la criminalité (CIPC) sous la supervision de l’Observatoire National de la Délinquance dans les Transports.
A défaut de l’étude elle-même sa synthèse a été rendue publique. Dans ce document de douze pages – dont sept consacrées à l’étude elle-même – se retrouvent les données mises en avant par l’avis du Haut Conseil. Les femmes sont les principales victimes d’atteintes personnelles dans les transports en commun, 2/3 des faits recensés.
Mais l’étude est beaucoup plus riche. Tout d’abord elle met en évidence que les atteintes aux personnes dans les transports en commun restent très faibles par rapport au total des atteintes sur la voie publique : de 6 à 8 % seulement. Et si les femmes sont plus nombreuses parmi les victimes elles représentent également les 2/3 des voyageurs. Elles sont très majoritaires parmi les victimes d’atteintes sexuelles (viols, tentatives de viols, attouchements sexuels). Mais ce sont les hommes qui sont très majoritairement victimes de coups et blessures volontaires et de vols commis avec violence ou sous la menace, plutôt en soirée, après 21 h, les femmes se plaignant plus d’insultes et d’injures.
Le rapport allait jusqu’à s’interroger » Pourquoi le sentiment d’insécurité est-il plus important chez les femmes alors qu’elles sont moins victimes d’atteintes à l’intégrité physique que les hommes ? »
Un plan pour les femmes alors que ce sont les hommes qui sont les plus touchés ? Guère logique à première vue.
Mais l’avis du Haut Conseil mettait en avant un phénomène spécifique : « 100% des utilisatrices de transport en commun ont été victimes au moins une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou agressions sexuelles ». Devant un tel chiffre, on comprend mieux. Plus inquiétant encore : « dans plus de 50% des cas, la première agression intervient avant 18ans ».
Un statisticien s’est interrogé devant ce chiffre. La définition du harcèlement sexiste retenue par le Haut Conseil peut sembler extensive ; il le caractérise « par le fait d’imposer tout propos ou comportement, à raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle supposée ou réelle d’une personne, qui a pour objet ou pour effet de créer une situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante portant ainsi atteinte à la dignité de la personne ». Ainsi il peut prendre des formes diverses « comme par exemple des sifflements ou des commentaires sur le physique, non punis par la loi, ou des injures, punies par la loi ». Le « Eh mamzelle t’es belle,« pour peu qu’il soit ressenti par sa destinataire comme une atteinte à sa dignité en fait partie. Mais tout de même…
ll a noté que l’avis se référait laconiquement aux « Résultats des consultations menées par le HCEfh, mars 2015 » et a écrit pour obtenir des détails sur la méthodologie. Il lui a été répondu que ce chiffre était issu de l’analyse d’une soixantaine de questionnaires collectés à l’issue de rencontres organisées sur le thème « Genre et espace public ». Autrement dit quelques dizaines de femmes déjà mobilisées sur le sujet.
Amalgame entre sifflet et viol. Echantillon biaisé. Toute qui est excessif est insignifiant.
A Bogota (Colombie) le sujet a été traité par une étude approfondie ; trop difficile en France sans doute.
On se réjouira que la seule mesure un peu opérationnelle du plan – pouvoir signaler à la SNCF une agression par simple SMS – profitera également aux hommes victimes de violences physiques dans les trains.