Arrête le bio tu attaques la planète

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En 2007 le Grenelle de l’environnement, voulant encourager la consommation des produits issus de l’Agriculture Biologique (AB) avait fixé l’objectif de 6 % de la surface agricole utile française en AB en 2012 et de 20 % pour 2020. Un premier triplement en 5 ans et un second en 8 ans.

Mais si le marché français des produits bio a plus que doublé depuis 2007 pour dépasser les 5 milliards de chiffre d’affaires en 2014 cela ne représente jamais que 2,5 % du marché alimentaire total. Et si les surfaces agricoles exploitées en AB ont plus que doublé entre 2007 et 2014 – de 1.98 % à 4.14 % exactement – on est encore bien loin de l’objectif fixé pour 2012. Et pour autant la production nationale ne parvient pas à satisfaire la demande : le quart des produits bio consommés en France sont importés.

Bien moins de production que prévu et des importations qui persistent. Insatisfaisant du point de vue environnemental comme du point de vue économique. Suffisamment pour que France Stratégie l’organisme en charge de la stratégie nationale charge l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA)  de réfléchir aux possibilités d’améliorer l’AB française.

L’INRA a relevé que les consommateurs français de produits bio étaient « de façon générale, des consommateurs plus riches, mieux éduqués, plus âgés, plus féminins et plus urbains « . Plutôt encourageant puisque traditionnellement ce sont par ces consommateurs que se diffusent les pratiques nouvelles.

Mais voilà, si de plus en plus – 88 % –  de Français consomment bio, c’est avec parcimonie : seuls 10 % ont consommé au moins un produit bio chaque jour. Pourtant l’INRA note que les motivations sont multiples ; y « interviennent des considérations – pour partie subjectives – relatives à la santé, la sécurité sanitaire des produits issus de l’AB, la qualité organoleptique des produits issus de l’AB, la protection de l’environnement, considérations auxquelles il convient d’ajouter des préoccupations d’ordre éthique, politique, religieux et/ou philosophique « . Qui ne touchent pas les non consommateurs qui justifient leur position d’abord (à 77 %) par le prix jugé trop élevé et ensuite (à 65 %) par l’absence de réflexe bio  : ils sont les deux tiers à ne pas avoir une confiance plus élevée dans les produits bio. Au contraire 26 % ont moins confiance et 22 % pensent que la qualité des produits issus de l’AB est peu satisfaisante.

L’INRA s’est interrogé sur les avantages de l’AB française comparée à l’agriculture conventionnelle (AC). Après un examen détaillé, l’étude « ne permet pas de dégager une supériorité significative des produits issus de l’AB relativement aux produits issus de l’AC sur le plan qualitatif (qualités nutritionnelle, sanitaire et organoleptique). Il « est donc difficile de légitimer une politique de soutien spécifique à l’AB au titre de ses bénéfices potentiels en termes de santé des consommateurs ». Et « dans la mesure où les qualités nutritionnelles, sanitaires et organoleptiques des produits issus de l’AB et de l’AC n’apparaissent pas significativement différentes c’est à l’aune de l’impact sur les performances environnementales et sociales » qu’il faut mener l’analyse.

Le point clé est que les performances productives de l’AB sont nettement inférieures tant pour les productions végétales que pour les productions animales. L’explication est limpide : sans recours aux engrais et aux pesticides de synthèse, et avec une limitiation des produits vétérinaires curatifs la nutrition et la protection sanitaire des cultures et des animaux ne peuvent être équivalentes à celles  de l’AC. D’ailleurs de nombreuses pratiques mises en œuvre en AB sont ajustées à des objectifs de production moindres.

Il y a donc un impact positif de l’AB sur l’emploi agricole puisque non seulement le rendement à l’hectare est inférieur mais une exploitation en AB emploie en moyenne l’équivalent de 0,045 travailleur par hectare contre 0,028 seulement en AC. lI n’y a que dans le maraîchage et l’horticulture, fortement intensifs en travail que l’AC emploie plus à l’ha.

Certes l’AB s’accompagne d’une charge de travail supérieure au titre du volume de travail, en particulier pour les travailleurs familiaux, et de sa technicité, voire de sa pénibilité. Mais en dépit d’une charge de travail accrue les producteurs en AB font état d’une satisfaction supérieure qui a notamment pour origine « l’intérêt retrouvé du métier ».

Sur le plan social l’INRA regrette néanmoins que des « prix des produits à la consommation plus élevés entraînent une inégalité sociale d’accès aux produits issus de l’AB ». Il y a  également risque que le bio devienne un « marqueur et facteur négatif de différenciation sociale« .

En revanche un point est clair : les performances environnementales sont supérieures dans les exploitations en AB. Qu’il s’agisse  de protéger « la qualité des sols, de l’eau et l’air, ou de la préservation de la biodiversité. »

Tant qu’on les mesure par unité de surface.

Car « cette supériorité se réduit et peut même s’inverser quand les performances sont mesurées par unité de produit« . Les rendements inférieurs font perdre l’avantage d’une consommation directe et indirecte d’énergie, d’eau, voire de phosphore sous forme d’engrais minéraux, par unité de surface plus faible en AB qu’en AC.

Mais chacun sait que les Français mangent des hectares et pas des produits.

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