Violences

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Une situation largement ignorée du grand public.

Mme Piot, psychanalyste et présidente de l’association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir alerte : dans notre civilisation européenne 80 % des femmes handicapées sont victimes de violences : «Il peut s’agir de viols, d’agressions sexuelles, de maltraitances ou de brimades psychologiques ». Elle dénonce le sort fait à « Des femmes en situation de handicap, dans une société qui la plupart du temps les ignore, donc perçues comme vulnérables par certains hommes agressifs et cherchant à instaurer une situation de domination perverse face à des victimes qui dans l’obscurité, dans l’isolement, souvent dans leur milieu familial sont maltraitées, violentées». 

4 femmes handicapées sur 5 victimes de violences. Un chiffre effrayant.

Sachant que l’INSEE recense en France entre 1 million – selon une définition purement administrative – et 5 millions – au sens large  – de femmes présentant un handicap, c’est au bas mot 800 000 femmes handicapées qui seraient maltraitées dans le pays des Droits de l’homme.

Mme Piot précise que ce chiffre provient de l’ONU. Précisément du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

C’est à la page 8 d’une Étude thématique sur la question de la violence à l’égard des femmes et des filles et du handicap diffusée en mars 2012 par les services de ce Haut-Commissariat qu’on le trouve. Il y est annoncé comme provenant d’un Rapport sur la situation des femmes issues de groupes minoritaires dans l’Union européenne de 2003, adopté par le Parlement européen (PE) le 18 février 2004. Dans ce rapport – qui nous apprend également que 25% des Européens souffrent d’un handicap – est en effet affirmé que «près de 80 % des femmes handicapées sont victimes de violence et encourent un risque quatre fois plus élevé que le reste des femmes de subir des violences sexuelles».

Ce rapport – adopté en fait par la seule Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du PE, par 8 voix pour et 2 abstentions – précise la source de ce chiffre. Il a été donné par Mme La Rivière Zijdel, alors présidente du Lobby européen des femmes lors de son audition par cette Commission.

Les documents de présentation de l’audition, tout comme le texte d’une conférence de 2003 de Mme La Rivière Zijdel sur laquelle elle est basée sont disponibles sur le site du PE. La présentation indique que la violence touche « 80% of disabled women – Rate higher than (sexual) violence towards nondisabled women or disabled men » ; le texte de la conférence précise que «Through major researches in the Netherlands, Austria, Germany, the United Kingdom, Sweden and recently in Spain, it has been proven that nearly 80% of disabled women become a victim of various forms of (sexual) violence. This rate is far higher than the (sexual) violence rate for non-disabled women or disabled men ».

Pour autant aucun chiffre des populations concernées n’est donné. Un indice est fourni par la situation des femmes handicapées prises en compte. Dans le rapport il est précisé qu’elles vivent à 85 % dans des institutions (68% selon la conférence de Mme la Rivière Zijdel). Les études visent donc des personnes en situation de handicap lourd ; pour la France une telle proportion correspond à  environ 60 000 à 80 000 femmes handicapées. Bien loin des 25% de personnes souffrant d’un handicap annoncés dans ce même rapport.

Pour aller plus loin il faudrait sans doute consulter les documents précisés dans la bibliographie fournie avec la conférence. Mais non seulement les études citées sont allemandes, anglaises, autrichiennes, espagnoles, néerlandaises ou suédoises, donc peu accessibles à un francophone mais elles ne sont pas en ligne. Comment savoir jusqu’à quel point elles valent pour la France et l’Europe ?

Un autre indice est que la recherche indiquée comme la plus «récente» est espagnole. Sachant que la seule source espagnole fournie est datée de 1998 et que toute recherche nécessite quelque temps, on peut déduire qu’elle renvoie à la situation des années 1995. Plus généralement les documents de cette bibliographie datent pour la plupart des années 1990, voire des années 1980. Sans tomber dans un angélisme béat, il n’est pas interdit de penser que la situation s’est améliorée depuis.

Enfin force est de reconnaître que le sens de « become a victim » n’est pas le même que celui de « vivre des violences ». Rencontrer la violence au moins une fois dans sa vie est très insatisfaisant mais n’est pas vivre la violence au quotidien. La violence, quelle que soit sa forme, physique, sexuelle, ou psychologique a pu s’arrêter. Heureusement.

En fait les données permettent de penser qu’il y a 25 ans environ 80 % des femmes européennes souffrant d’un handicap lourd s’étaient trouvées confrontées au cours de leur vie à une situation de « violence« , y compris sexuelle, en particulier de la part du « personnel sanitaire, soignant ou de service des institutions » dans lesquelles elles vivaient.

C’était inacceptable. Mais quel lien avec les affirmations complaisamment relayées par des media peu attentifs ?

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