Le Gouvernement souhaitant « sanctionner ceux qui par leurs comportements visent à détruire le lien social » en commettant des actes de terrorisme se propose de leur retirer la nationalité française.
Débat du jour : comment faire ?
Retirer sa nationalité à quelqu’un en fait un apatride. Sauf s’il dispose d’une autre nationalité.
D’où un dilemme :
- soit créer des apatrides mais c’est mal. D’ailleurs la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie de l’ONU prévoit que « Les Etats contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit le rendre apatride ». Principe également affirmé par la Convention européenne sur la nationalité de 1997 qui établit qu’« Un Etat Partie ne peut prévoir dans son droit interne la perte de sa nationalité [..] si la personne concernée devient ainsi apatride » ;
- soit retirer la nationalité française aux seuls terroristes bi-nationaux. Plus d’apatride. Mais cela ressemble furieusement à une rupture d’égalité. Alors que la Convention européenne sur la nationalité de 1997 précise que « chaque Etat Partie doit être guidé par le principe de la non-discrimination entre ses ressortissants ».
Le Conseil d’Etat saisi pour avis par le Gouvernement a estimé que si une loi devait instituer la déchéance de la nationalité française pour les binationaux condamnés pour des faits de terrorisme le principe devrait en être inscrit dans la Constitution. Ainsi, la loi ne pourra être déclarée anticonstitutionnelle, risque dont la rédaction de l’avis – dans le style tout en nuances dont le Conseil d’Etat a le secret – laisse comprendre qu’il ne saurait être éliminé autrement.
Mais le Conseil d’Etat n’a fait aucune référence aux accords internationaux signés par la France. Pour une raison bien simple : si elle les a signées la France n’a jamais ratifié ni la Convention de 1961 de l’ONU, ni la Convention européenne de 1997. Elles ne s’appliquent pas.
Sans doute parce que l’article 23-8 du Code civil prévoit que « Perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger […] ou plus généralement leur apportant son concours, n’a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l’injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement « . Et ce qu’il dispose d’une autre nationalité ou non.
Cette disposition qui permet au gouvernement de rendre apatride un Français qui s’obstinerait – contre les intérêts de la France – à servir une puissance étrangère n’est guère évoquée dans les débats.
Parce qu’elle qu’elle visait aux premières années de la Révolution les émigrés. Et qu’elle ne peut être modifiée sans toucher aux principes de la République ?
Ou parce que le droit militaire des conventions de Genève de 1949 disposant que « les forces armées d’une partie au conflit se composent de toutes les forces, tous les groupes et toutes les unités armés et organisés qui sont placés sous un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés devant cette partie, même si celle-ci est représentée par une autorité non reconnus par une partie adverse » elle pourrait être appliquée, sans plus de débat, pour retirer la nationalité française aux djihadistes de Daesh ?