En transit vers la croissance

Avenir vert

La loi «sur la transition énergétique pour une croissance verte» vient d’être adoptée en première lecture par les députés, socialistes et écologistes. Seul M. Mamère trouvant ce texte «pétri de bonnes intentions» mais «pas à la hauteur» ne l’a pas voté. Même Mme Duflot, pourtant si critique du gouvernement depuis qu’elle n’en fait pulserait s’est félicitée du«premier véritable débat démocratique sur l’avenir énergétique de la France». La ministre, Mme Royal, a estimé que «L’Assemblée démontre que l’on peut réconcilier la croissance et l’énergie», reprenant l’argument de Mme Cosse pour qui la transition énergétique peut «augmenter le pouvoir d’achat des gens et créer de l’emploi».

Le point de départ de cette loi est partagé : nous devons aller vers une société qui consomme moins d’énergie et qui soit moins dépendante des énergies fossiles. En consommant à grande vitesse une énergie fossile aux réserves finies selon des procédés qui dégradent la planète de manière peut-être irrémédiable par la pollution atmosphérique et le réchauffement climatique l’humanité est engagée dans une spirale mortifère.

Donc consommer moins et mieux d’énergie, et renouvelable.

On connaît les solutions : mieux isoler les bâtiments, développer la production d’électricité «de bas carbone» par les éoliennes, l’énergie solaire et la biomasse. Elles nécessitent des investissements considérables.Travaux d’isolation, construction de centrales à énergie renouvelables mais aussi et surtout le développement du réseau électrique. En effet l’électricité renouvelable est produite là où il y a du vent, ou du soleil pas forcément là où elle est consommée, et étant intermittente, doit être suppléée par des centrales de renfort durant les creux de production.

Investissement donc travaux donc emplois supplémentaires. Du moins si on est capable de réorienter les chômeurs vers ces emplois. Mais pouvoir d’achat certainement pas : dans un premier temps les investissements coûtent sans rien rapporter et à terme la chaîne de production d’énergie restera moins efficace que la consommation «à fonds perdus» actuelle. Nous sommes condamnés à travailler plus pour protéger l’atmosphère et espérer avoir à peine autant.

Au fait en économie la dégradation de notre environnement ça s’appelle une externalité négative : un désavantage collectif que les citoyens ne ressentent pas individuellement. Il y a même un outil pour le traiter : la taxation. Si l’on taxe l’émission de CO2, les acteurs vont chercher à la réduire ; de plus les taxes peuvent contribuer à financer les investissements nécessaires. Mais alors l’énergie va être clairement plus chère et il devient difficile de prétendre que le pouvoir d’achat n’en sera pas affecté.

Voilà sans doute pourquoi Mme Royal s’oppose à toute fiscalité «punitive», là où M. Mamère déclare que «sans fiscalité écologique, il n’y a pas de transition énergétique possible».

La disparition de l’écotaxe

Camion qui fume

Après plusieurs adaptations, reports et difficultés diverses dont la dernière avait été sa transformation en péage de transit poids lourds, l’écotaxe vient d’être reportée sine die.

Triste destin pour un projet voté début 2009 à l’unanimité. Conformément à l’engagement du Grenelle de création d’une «éco-redevance kilométrique pour les poids lourds sur le réseau routier non concédé»  le parlement avait décidé à l’article 11 de la loi de programmation Grenelle I qu’«Une écotaxe sera prélevée sur les poids lourds à compter de 2011 à raison du coût d’usage du réseau routier national métropolitain non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic. Cette écotaxe aura pour objet de financer les projets d’infrastructures de transport.»

Le projet n’était pas original : les Allemands ont mis en place depuis 2005 un «Péage Poids Lourds» pour les véhicules de plus de 12 tonnes empruntant les autoroutes : avec un taux de 14 à 28 centimes du km selon la taille du camion, les recettes atteignent 4,4 milliards d’euros par an, dont 0,6 milliard pour le consortium privé qui a construit et exploite le système de collecte. Les revenus nets financent par parts égales les investissements d’infrastructures routières et non routières.

En France on espérait avec un taux de 12 à 24 centimes payé par tous les véhicules de plus de 3,5 t empruntant 12 000 km de routes – pas les autoroutes payantes – 1,2 milliards d’euros de recettes annuelles dont 0,3 pour EcoMouv le consortium en charge de la collecte. De nombreuses oppositions avaient amené au fil des ans à transformer l’écotaxe initiale en «péage de transit» : seules 4000 km de routes restaient concernées et de nombreux allègements dont l’exonération des ramassages de lait avaient été accordés. On n’en espérait plus que 560 millions d’euros de recettes annuelles et il restait à renégocier avec EcoMouv qui avait développé le système de collecte pour le périmètre initial.

Triste jour pour la couche d’ozone.

Mais sait-on qu’en France le gazole professionnel est presque exonéré de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. ll ne semble pourtant pas que les moteurs de camion produisent moins de CO2. En fait les transporteurs routiers paient la taxe puis ils déclarent leurs consommations aux Douanes qui leur en remboursent 92 %. Il y en a pour 330 millions d’euros par an.

Autrement dit on exonère tous es transporteurs routiers d’une taxe sur le gazole, proportionnelle à leurs émissions polluantes, pour ensuite essayer d’en recouvrer l’équivalent en faisant payer un péage autoroutier à ceux qui circulent sur les principales routes nationales.

Construire des portiques et faire remplir des imprimés c’est lutter contre le chômage.

Le génie français.

Le gros malin de l’UMP

le-gros-malin

On reparle de Bygmalion.

Bygmalion était un groupe spécialisé dans le conseil et la communication basé à Paris et à Londres, fort d’une cinquantaine de collaborateurs. Fondé en octobre 2008 par un ancien cadre dirigeant de l’audiovisuel public, directeur délégué chargé de la stratégie, de l’innovation et de la communication, président de nombreuses filiales et inventeur du club France Télévisions, ce groupe se targuait de spécialisations en «Expertise, Discrétion, Culture du résultat, Sur-mesure».

Dès sa création il avait obtenu pour plus de 3 millions d’euros de contrats de la part de deux grands clients : le groupe UMP à l’Assemblée nationale – alors présidé par M. Copé – lui confiait diverses prestations : « veille et modération » sur Internet, « kit souffrance au travail », « monitoring e-réputation » et France Télévisions commandait de la veille sur Internet ou la gestion des mels des téléspectateurs. Des élus de l’UMP ont fait confier par leur mairie diverses petites prestations. L’UMP elle-même est devenue sa cliente pour des actions de formation ou d’organisation d’évènements, rejointe par des clients prestigieux : Dassault, Canal+, Arte, Coca-Cola, Dior, LVMH, Veolia, la Société générale, le Medef, l’Institut Montaigne et la Grande Loge Nationale de France, pour des montants plus limités. L’heure de gloire viendra quand Bigmalyon se verra confier l’organisation de la campagne du président de la république à sa réélection.

Mais tout ne semble pas clair. Les prestations semblent en général très chères : l’on suspecte que les clients «autres» auraient accepté de payer ces prix parce qu’ils pensaient aider ainsi l’UMP. Mais une partie de cet argent aurait pu servir à financer le train de vie – ou les caisses noires – de certains dirigeants plutôt que le parti. Inversement pour tenir le budget de la campagne présidentielle Bygmalion aurait sous-facturé ses prestations au candidat en se rattrapant par des sur-facturations à l’UMP.

Le fondateur de Bygmalion s’appelle Bastien Millot ;  c’est un ami fidèle de M. Copé dont il été directeur de cabinet à la mairie de Maux, puis chef de cabinet au porte-parolat du gouvernement. En 2004 il a été condamné, après plainte devant le tribunal correctionnel de la municipalité dont il était premier adjoint, à 8 000 euros d’amende pour avoir certifié 1 500 heures supplémentaires fictives d’un chauffeur ami. Une addition réglée par le contribuable.

Un spécialiste en «Expertise, Discrétion, Culture du résultat, Sur-mesure». Au fait BigMalyon ça donne BM comme Bastien Millot. Gros Malin, va !

mardi 7 octobre 2014

Avec un point de croissance t’as plus rien

Sucre d'orge

Le président François Hollande a estimé que la prévision de 1% de croissance pour 2015 paraissait« réaliste », en dépit du scepticisme du Haut conseil des finances publiques.

Cet organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes depuis la loi qui l’a créé en décembre 2012 pour apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées aux textes budgétaires a estimé que « la prévision de croissance de 1 % [en 2015] paraît optimiste».

Optimiste ne signifie pas forcément faux. 1 % de croissance c’est 1 % de PIB en plus. Rêvons à ce que 1 % va apporter à chacun des Français.

Pour les retraités d’abord : chaque année ils sont un peu plus nombreux en France, 2 % de plus. L’espérance de vie croît plus que l’âge de la retraite. Comme les pensions représentent environ 15 % du PIB, voilà 30 % de ce point de croissance consommés

Pour les malades ensuite : chaque année on dépense un peu plus pour la Santé en France. Le rythme d’augmentation a ralenti mais c’est toujours 3 % par an ou presque : les Français sont plus vieux donc plus malades et les soins toujours plus complexes et plus chers. Comme les dépenses de santé représentent environ 12 % du PIB, voilà encore 0,3 % de croissance bien utilisés.

Pour tout le monde enfin. Avec l’espérance de vie qui croît et le solde migratoire positif nous sommes de plus en plus nombreux chaque année. La part de chacun se réduit d’environ 0,4 % par an.

Donc avec 1 point de croissance on maintient le niveau de vie des retraités et des autres, en les soignant un peu mieux. Mais c’est tout. Devinez ce que cela signifie pour le pouvoir d’achat.

Question :avec 0,5 point de croissance ?

Les commissaires passent l’oral

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La Commission européenne doit être renouvelée avant le 31 octobre 2014.

Après le scrutin du 25 mai, les principales formations politiques du Parlement européen se sont d’abord mises d’accord pour désigner leur candidat pour la présidence parmi la formation ayant le plus de députés : M. Juncker. Bien qu’ayant dans un premier temps suscité les réticences de Mme Merkel et n’ayant jamais convaincu M. Cameron, il a été le 27 juin proposé comme président de la Commission au vote du Parlement, qui a ratifié sa nomination le 15 juillet dernier.

Il lui reste maintenant à obtenir le 22 octobre prochain l’investiture de l’ensemble de la Commission par un vote favorable du Parlement. Dans un premier temps chacun des commissaires désignés est soumis à la question par écrit puis durant trois heures d’audition par la commission parlementaire compétente. Si les députés ne sont pas satisfaits, ils peuvent poser des questions écrites complémentaires , voire demander une seconde audition, un « oral de rattrapage », avant de formuler leur avis.

Comme les candidats ont été désignés à l’issue de négociations au plus haut niveau prenant en compte les subtils équilibres tous ces auditions et votes sont d’habitude une simple formalité. Mais pas cette année ; cinq candidats commissaires ont déjà été bousculés. M. Moscovici ancien ministre français de l’économie, qui postule au portefeuille des affaires économiques de l’Union,en charge de la discipline budgétaire, s’est vu demander

M. Juncker va  avoir du mal à faire valider sa liste de 28 commissaires.

Ce n’est vraiment pas facile une équipe de 28. D’autant plus qu’il ne les a pas choisis. Ce sont les états membres qui désignent librement chacun un candidat. Comme ça on comprend bien qu’au sein de la Commission toutes les nationalités sont égales et que seule la compétence compte. Et il revient au président de la Commission de trouver des portefeuilles aux 28 commissaires, avec de vrais sujets,   correspondant aux enjeux de l’Union et aux compétences des commissaires qu’on lui a désignés. A 28 c’est plus difficile qu’à 15 mais M. Juncker y arrivera sans doute car les candidats sont sérieux : celui chargé du numérique a d’ores et déjà déclaré qu’il demanderait à son fils ce qu’est Internet.

Ce mécanisme folklorique est le résultat du traité de Nice de 2001 dont l’objet était de rendre les institutions européennes plus légitimes et plus efficaces dans la perspective de l’élargissement.

Oeuvre murale de satire politique ou graffiti offensant ?

BanksyUn graffiti se trouvait sur un mur de la ville de Clacton-on-Sea, dans le Sud-Est de l’Angleterre. Il représentait un groupe de pigeons s’adressant à une hirondelle à côté d’eux par des écriteaux contre l’immigration : « Les migrants ne sont pas les bienvenus« , « Retourne en Afrique » et « Laissez-nous nos vers de terre ».

Ayant reçu des plaintes accusant ce dessin d’être « offensant » et « raciste«  la mairie de la station balnéaire a fait nettoyer le mur.

Problème : ce graffiti était en fait une œuvre murale de l’artiste – anonyme – qui se fait connaître sous le nom de Bansky. Plusieurs oeuvres de ce célèbre artiste du street art ont déjà été détachées de leur support, et vendues plusieurs centaines de milliers de livres. La valeur du graffiti effacé était estimée à 400 000 livres (511 000 euros).

Les responsables de la mairie qui l’ont retiré du mur ont reconnu que l’aspect satire politique de l’œuvre leur avait échappé et regrettant leur erreur ont invité Banksy « à revenir à Clacton pour peindre une autre œuvre murale, réalisant trop tard les bénéfices en termes de tourisme d’avoir un Banksy dans la ville ».

Pas sûr que les citoyens choqués par ce travail auraient partagé l’idée qu’il n’était plus raciste depuis que l’auteur en était connu.