C’est Madame de Sévigné qui dans une de ses célèbres lettres aurait popularisé l’expression « Chercher une aiguille dans une botte de foin. »
Mais il a fallu attendre les 13 et 14 novembre derniers pour assister à Paris à un exercice appliqué de « littéralisme ». Tout d’abord 450 kg de paille ont été acheminés d’une exploitation agricole de Rambouillet (Yvelines) sous la grande rotonde du Palais de Tokyo. Puis le président de l’institution M. de Loisy s’est plongé dans la meule, jusqu’à y disparaître presque tout entier, et y déposer une aiguille. Quelques coups de fourche et l’artiste a pu entrer en scène.
Car il y a un artiste. Sven Sachsalber, 27 ans, originaire du Tyrol italien, champion de ski à la carrière interrompue par une blessure, reconverti après des études au Royal College of Art de Londres dans la sculpture, la photographie et plus largement la « performance » en art contemporain. Deux séances de 12 h non stop – de midi à minuit – lui étaient accordées pour retrouver l’aiguille. En 2012 il avait déjà réussi – avec beaucoup moins de paille – une expérience similaire à Londres en 6 h à peine
“En quoi est-ce de l’art?” lui a demandé un journaliste anglais, alors qu’il s’activait, prenant une poignée de paille dans les mains pour la briser en deux, la relâcher sur un petit tas et recommencer
“Hum, parce que je prends une expression de tous les jours pour lui donner vie … mon art traite de choses ordinaires … vous voyez, je ne voudrais pas être malpoli, mais s’il vous plaît je n’aime pas parler quand je travaille.”
C’est Mme Groen sa galeriste hollandaise – qui l’a découvert et promeut son art depuis plusieurs années – qui a répondu : ‘L’art de Sven c’est de prendre les choses à la lettre et de les pousser à la limite. C’est la dimension sportive qu’il accomplit. L’endurance en particulier. Mais c’est souvent très drôle ». Sven a ainsi passé 24 heures enfermé avec une vache, coupé la branche d’un arbre sur laquelle il était assis et dégusté une amanite tue-mouches, avant de vomir et d’être malade pendant plusieurs jours.
Passé l’affluence du lancement Sven a été bien seul. Un ou deux visiteurs du Palais prenaient la peine d’observer son travail. Le fermier qui avait livré la paille avait bien dit qu’il aurait aimé rester mais il avait dû retourner à ses moutons.
Bonnes nouvelles : Sven a trouvé l’aiguille au milieu de la seconde après-midi, à 17h 45 exactement. Le Palais de Tokyo ne lui a versé aucun cachet : il s’est contenté de le défrayer de son voyage de New York où Sven réside.
Alors est-ce de l’art ? Pour Sven : « Just do it ! Nike ! »