La fin du corps préfectoral

Prefet_du_Premier_Empire_(1810)

Les préfets sont mal gérés. La Cour des comptes critique une situation qui perdure. La moitié des 250 préfets sont affectés à un poste territorial et un tiers n’ont pas d’affectation très claire. De nombreux préfets ne seraient «pas ou plus susceptibles d’exercer efficacement des fonctions de préfet territorial” .

De plus ils seraient engagés dans une valse incessante avec une durée de plus en plus courte des affectations dans les préfectures : deux ans à peine en moyenne.

Et comme le pouvoir politique peut nommer un tiers des préfets hors des sous-préfets et qu’une fois nommé préfet on le reste la situation ne s’améliore pas.

Déjà en 2005 la Cour des comptes avait formulé une préconisation ambitieuse : supprimer le corps préfectoral. Il s’agirait de créer un «cadre d’emplois» pour pourvoir les postes de préfets territoriaux, “à l’instar des bonnes pratiques en vigueur pour les autres emplois de responsabilité, ce qui impliquerait la mise en extinction corrélative du corps dans sa définition actuelle”. Autrement dit les préfets seraient nommés pour une fonction à la fin de laquelle ils retourneraient dans leur corps d’origine. Evidemment le corps des sous-préfets serait également supprimé.

Réforme tout à fait révolutionnaire qui mettrait fin à une institution créée en 1800 par le premier consul Napoléon Bonaparte.

En réponse à la Cour des comptes M Valls, tranchant sur l’absence de réponse effective à la recommandation formulée il y a neuf ans ne cache pas son intérêt pour ce véritable maëlstrom de l’administration française.

Sans doute veut-il donner raison à Mme Merkel qui a affirmé que sur le plan des réformes «La France fait des efforts considérables».

La croissance et la dépense publique

Multiplication des pains

Mme Merkel, la chancelière allemande, a reçu M. Valls et lui a rappelé qu’il existait « beaucoup de possibilités de créer de la croissance sans dépenser d’argent public supplémentaire ».

Le lien évoqué entre dépense publique et croissance découle des travaux de John Maynard Keynes (1883-1946) qui ont notamment inspiré durant la crise des années 1930 la politique réussie de relance de l’économie américaine par la dépense publique à crédit, dite du New Deal. Encourager la demande par la dépense publique quand il y a des ressources inutilisées a un effet d’entraînement général sur l’économie avec une augmentation de la richesse nationale supérieure à la dépense. On parle d’effet multiplicateur ; plus tard dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie Keynes reprendra de Richard Kahn (1905-1989) la «théorie logique» du multiplicateur qui estime celui-ci comme l’inverse de la propension à épargner. Cette «théorie logique» confond grossièrement richesse créée et flux de circulation de monnaie et est absurde.

Pour autant Mme Merkel et M. Valls ont quelque raison de lier dépense publique et croissance.

La croissance économique d’un pays est l’évolution – hors variation des prix – de la richesse créée par les activités de production sur le territoire national. Cette richesse est mesurée par le produit intérieur brut (PIB) lui-même somme des valeurs ajoutées. La valeur ajoutée créée par un producteur est la différence entre le prix de vente du produit et la valeur totale des biens et services qu’il a achetés et contenus dans ce produit, y compris les salaires qu’il a pu verser. Pour les services non marchands, notamment les services rendus gratuitement par les administrations (gratuité apparente car ils sont payés par l’impôt) il n’y a pas de vente, donc pas de prix et dans le PIB on considère qu’ils « valent ce qu’ils coûtent ».

Donc s’endetter pour dépenser plus dans les services non marchands, c’est s’enrichir ; et c’est absolument indépendant de la nature du service : augmenter un fonctionnaire, en recruter un autre pour que le premier travaille moins ou pour faire quelque chose de nouveau, ça a le même effet sur le PIB. C’est magique. On peut développer l’emploi et la croissance par la dette. Vraiment bien. Alors que pour la croissance marchande, il faut arriver à vendre sa production et donc trouver des consommateurs prêts à payer pour le produit.

Bien sûr il faut augmenter l’impôt pour rembourser la dette et accepter que progressivement une part croissante de la production soit régie par la puissance publique. Mais ça marche. Ainsi en 1985 la CIA constatait que le PIB par habitant de la RDA était supérieur à celui de la RFA.

Mme Merkel qui pourtant en 1985 habitait Berlin Est n’a semble-t-il toujours pas compris qu’une Trabant, coûtant plus cher à produire qu’une Golf, valait plus cher.

La SNCF est mise en examen pour homicide involontaire

Bouc émissaire

Quatorze mois après le déraillement d’un train Paris-Limoges qui a causé sept morts en juillet 2013 la SNCF est, après Réseau ferré de France (RFF), à son tour mise en examen pour homicides et blessures involontaires. «De très nombreuses lacunes» ont été relevées sur le site de Brétigny-sur-Orge dans le suivi des opérations de maintenance de la voie, dont l’état défectueux explique l’accident.

Incidemment on peut s’étonner que le juge mette en examen RFF dont le rôle fixé par la loi en la matière se limite à définir «les objectifs et principes de gestion» relatifs à l’entretien réalisé par la SNCF. Il est douteux que l’insécurité et le manque de rigueur figurent parmi ces objectifs et principes.

Surtout, que recherche cette mise en examen ? A établir l’éventuelle responsabilité pénale de la SNCF dans l’accident : si la SNCF est coupable, elle sera condamnée. Mais la SNCF n’a ni jambes ni corps et ne peut aller en prison. Elle pourrait être condamnée à une amende, élevée. Et qui serait prise en charge, puisque la SNCF n’a pas d’actionnaire ni d’autres ressources que les subventions publiques et les recettes tarifaires, par le contribuable ou les voyageurs.

Autrement dit une peine serait supportée par les voyageurs – victimes potentielles – et les citoyens – qui paieront eux-mêmes pour la réparation du trouble au bon ordre social que constitue le délit.

Et d’ailleurs comment la SNCF qui n’a ni jambes ni corps peut-elle commettre un délit ? « A raison des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants » dit le Code pénal. Mais alors pourquoi ne pas rechercher directement ces représentants ? Parce que la loi est subtile : les personnes physiques ne peuvent être condamnées pour une faute d’imprudence ou de négligence envers la sécurité que s’il est établi qu’elles ont violé «de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité» prévue par les textes, ou «commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer». Alors qu’une personne morale sera responsable simplement pour n’avoir «pas accompli les diligences normales» requises en la matière. Autrement dit la SNCF pourrait être coupable sans que personne n’aie commis de faute répréhensible. Magique.

Et présentant de nombreux avantages : un coupable au pénal sera reconnu civilement responsable et devra indemniser les victimes, pour des montants que les personnes physiques concernées seraient bien en peine de verser. Et à quoi bon rechercher les responsabilités de celles-ci, dirigeants comme exécutants ? Ca pourrait être ennuyeux pour tel ou tel qui n’aurait pas vraiment accompli ses dues diligences ou contrôlé qu’elles avaient été remplies. Et puis c’est difficile – il se pourrait que le cas de défaillance constaté soit si rare que les normes techniques l’excluent et que personne n’aie commis de faute.

Bien sûr on pourrait se dire que reconnaître que l’aléa technique pris en compte dans les calculs est possible et va arriver et que par ailleurs découpler l’existence d’une faute de l’indemnisation du dommage serait raisonnable.

Mais supprimer le rite expiatoire de la sanction pénale, et revenir sur des dispositions du Code Napoléon qui datent de 1804 ne serait-ce pas regarder la complexité du monde en face ?

La thèse du premier secrétaire

Bonnet d'âne

Dans son dernier ouvrage, M. Mauduit, ancien journaliste à Libération et au Monde, co-fondateur de Mediapart dénonce les conditions dans lesquelles M. Cambadélis, actuel premier secrétaire du Parti socialiste et ex «première gâchette» de M. Strauss-Kahn a obtenu son titre de docteur de 3e cycle en sociologie en 1985 : « Il a triché : pour entrer en doctorat, il faut avoir eu au préalable un DEA ou un DESS. Il n’a aucun des deux« .

M. Cambadélis se défend vertement : « Il y a près de quarante ans, étudiant en licence, j’ai obtenu une dérogation de l’Université Paris VII-Jussieu pour m’inscrire en maîtrise, dans le cadre d’une inscription sur compétences acquises. J’ai obtenu ma maîtrise puis j’ai passé mon doctorat de 3e cycle« . Il publie ses diplômes sur son site.

N’y figurent ni licence ni maîtrise mais une dispense de maîtrise du 3 mai 1983, une attestation de DEA réussi avec mention Bien en juin 1984 et le procès verbal de la thèse obtenue avec mention Très Bien à l’unanimité le 26 juin 1985, à peine un an plus tard.

Manifestement ni M. Mauduit ni M. Cambadélis lui-même ne sont parfaitement au clair.

Mais après tout que reprocher à un étudiant brillant qui,  à l’âge de 31 ans, se voit accorder une dispense de maîtrise pour les compétences acquises en une douzaine d’années de militantisme étudiant l’ayant amené à la tête de l’UNEF-ID, et obtient en deux ans, là où trois sont de mise, son doctorat.

Certes son directeur de thèse et président du jury M. Fougeyrollas était un cadre de l’Organisation Communiste Internationale dont il était un membre éminent. Certes la première personne citée dans les remerciements de sa thèse était M. «Lambert» fondateur de ce groupe trostkiste. Certes quelques lecteurs vont jusqu’à contester l’originalité de ces travaux.

Mais est-ce raisonnable de mettre en cause la rigueur intellectuelle de l’institution universitaire ?

Illettrisme sans illettrés

Tintin lit

Pour montrer tout l’intérêt de la réforme du permis de conduire M. Macron, le jeune ministre des finances de la France, diplômé de philosophie et ancien assistant de Paul Ricoeur, inspecteur des finances puis banquier d’affaires avant de devenir conseiller du Prince a pris l’exemple des ouvrières d’un abattoir breton en liquidation judiciaire. Etant «pour beaucoup» illettrées, leur rendre plus facile l’obtention du permis de conduire les aiderait à retrouver du travail.

Déferlement médiatique. M. Macron insulte les ouvriers, les bretons, les travailleurs, les femmes ouvrières bretonnes, etc. M. Macron s’excuse trois fois.

L’illettrisme avait été déclaré «grande cause nationale 2013» par le Premier ministre d’alors M. Ayrault. Il existe d’ailleurs en France une Agence nationale de lutte contre l’illettrisme ; celle-ci recense 7 % d’illettrés parmi les Français de 18 à 65 ans. Dans l’abattoir en question ce taux atteindrait 20 %.

Nommer les choses c’est les créer. Ne pas en parler c’est les faire disparaître.

L’homme aux 40 euros

Arbre aux écus

Et voilà. M. Valls le premier ministre a réclamé la confiance de l’Assemblée nationale et il l’a obtenue. Chichement, mais il l’a obtenue. Pour cela il a dû montrer qu’il se préoccupe de justice sociale et est un vrai homme de gauche. Dans son discours de politique générale il a repris Mme Touraine qui avait déclaré que, finalement, les petites retraites de 6,5 millions de pensionnés resteraient bloquées en 2014. Il a annoncé une prime.

Prudemment il n’en a donné le montant qu’après le vote. 40 euros. Ce n’est pas beaucoup : sur un an 11 centimes par jour. Mais c’est beaucoup plus sur l’année 2014 que les 0,4 % de revalorisation envisagés à compter du mois d’octobre. Avec la plus élevée des petites retraites concernées cette augmentation aurait représenté 15 euros au plus. Alors où trouve-t-on 260 millions d’euros alors qu’on avait des difficultés à en trouver 100 ?

En 2015. La prime sera versée «au début de l’année 2015». Et elle sera prise en compte en 2015 comme une mesure de revalorisation.

« De l’enfumage » pour la CGT. Du réalisme, ou du grand art ? Quels sont ceux de nos députés qui y ont cru, ou fait semblant d’y croire ?